Un étrange bras de fer oppose Ennahdha à son secrétaire général, Hamadi Jebali, depuis que ce dernier avait lancé, lorsqu’il était à La Kasbah, l’idée d’un gouvernement de compétences. Trois mois après la fin du gouvernement Jebali, les deux parties sont loin d’avoir enterré la hache de guerre. Et de l’issue de cette «guéguerre» dépendra l’avenir de l’une et de l’autre.
L’affaiblissement d’Ennahdha n’est pas le seul facteur jouant en faveur de son secrétaire général, Hamadi Jebali, dans la «guéguerre» l’opposant à sa formation. La composition de son électorat est également un autre élément favorable à l’ancien chef du gouvernement.
En effet, l’électorat du secrétaire général d’Ennahdha et possible futur candidat «indépendant» à l’élection présidentielle se trouve pour l’essentiel en dehors d’Ennahdha. D’après les chiffres de 3C Etudes, le cabinet d’études marketing et de sondage, dirigé par Hichem Guerfali, seul 33% des électeurs de l’ancien chef du gouvernement lors du deuxième tour d’une présidentielle est nahdhaoui; le reste provenant des indécis et des abstentionnistes –une catégorie numériquement très importante puisqu’elle a représenté lors des élections –et contrairement aux prévisions- près de 50% de l’électorat.
Les indécis, d’abord. Représentant près de 40% des élections, leurs faveurs iraient à 47% à Hamadi Jebali, contre 42% pour Béji Caïd Essebsi, son adversaire le plus probable au 2ème tour d’une présidentielle.
Les abstentionnistes –c’est-à-dire les élections votant blanc lors du premier tour-, ensuite, donneraient leurs suffrages à 49% au –futur ex?- secrétaire général d’Ennahdha et seraient encore moins nombreux (23%) à choisir son prédécesseur à la tête du gouvernement.
Les reports de voix profiteraient, eux, presqu’également aux futurs candidats putatifs, mais dans des formations politiques différentes. Ainsi, le président de Nidaa Tounes l’emporterait, au deuxième tour, chez les électeurs son secrétaire général, Taieb Baccouche (91%), d’Ahmed Néjib Chebbi (74%), président du Comité politique du Parti républicain, et Hechmi Hamdi (63%), ancien président du Parti Al Aaridha et leader du tout nouveau mouvement Al Mahaba.
Hamadi Jebali, lui, auraient les faveurs des électeurs d’Ali Larayedh, son successeur à la tête du gouvernement (93%), de Mustapha Ben Jaafar, président de l’Assemblée Nationale Constituante et secrétaire général du Forum démocratique pour le travail et les libertés –Ettakatol- (88%), de Mohamed Abbou secrétaire du Mouvement démocratique (72%) et de Moncef Marzouki (69%). Ce qui veut dire que les reports de voix se font au sein de chacun des deux camps et pas entre eux.
Maintenant, il n’est pas dit que la prochaine élection présidentielle se déroule selon cette configuration et que le second tour oppose Hamadi Jebali à Béji Caïd Essebsi. Tout va en fait dépendre de la tournure que prendront les relations de Hamadi Jebali avec son parti: une sortie plus ou moins amiable de l’ancien chef du gouvernement –laissant la porte ouverte à une candidature à la présidentielle avec la casquette d’indépendant, soutenue fût-ce du bout des lèvres par Ennahdha-, ou une rupture pure et simple aux conséquences encore difficiles à mesurer.