Cette modeste contribution intervient à un moment où la Tunisie cherche à trouver son chemin vers une véritable démocratie, une croissance équitable ainsi que la dignité pour son peuple. Le chômage des jeunes en général et celui des diplômés du supérieur en particulier ont constitué le carburant principal de la Révolution du Jasmin.
À moins d’identifier les véritables causes sous-jacentes, toutes les solutions prescrites, aussi ingénieuses soient-elles, ne produiront pas les résultats collectivement désirés.
Ce bref document tente de montrer que la cause-clé sous-jacente, et donc le talon d’Achille de la Tunisie, est la mauvaise structure de son industrie.
Le cadre analytique du Système national d’innovation (SNI) est utilisé pour s’attaquer à ce problème complexe et durable. Des indicateurs normalisés, couvrant les principales composantes du SNI, sont utilisés dans le but de démystifier les coupables et d’engager un processus curatif collectif pour notre société souffrante.
La Tunisie post-révolution dispose d’une occasion unique et historique d’exploiter intelligemment ses avantages concurrentiels et de rattraper rapidement les pays développés, tout en prenant en même temps les devants pour devenir une Société du Savoir Durable (SSD). Cette vision à long terme stipule que la Tunisie assure sa place sur la scène internationale comme une société fondée sur le savoir, où la croissance durable induite par l’Innovation, le capital humain créatif et habile avec un esprit d’entreprise et un système politique démocratique, ouvrent la voie à une compétitivité des forces économique et de travail, une croissance durable équitable et inclusive à l’échelle nationale et régionale, ainsi que l’amélioration du bien-être local et global.
Il est intéressant de noter que les causes de la Révolution du Jasmin, du Printemps arabe et le Mouvement Occupy sont symptomatiques des mêmes maux sociaux, faisant de la Tunisie du Savoir Durable une expérience digne d’attention pour le reste de la planète.
Pour concrétiser cette vision, la Tunisie doit adopter plus que jamais une approche systémique où les quatre piliers de l’Economie du Savoir (ES) sont harmonieusement combinés dans le temps et dans l’espace.
Pour converger rapidement et solidement vers la vision énoncée ci-dessus, il est nécessaire de créer un environnement favorable à l’innovation pour la création efficace, la diffusion et l’utilisation du savoir par le biais d’un Régime Economique et Institutionnel proactif, de fournir une population éduquée et compétente capable d’utiliser efficacement le savoir grâce à un Système Educatif flexible et réactif de haute qualité, de faciliter une communication, une diffusion et un traitement de l’information efficace au moyen d’une infrastructure moderne de Technologies de l’Information et de la Communication (TIC), de poursuivre vaillamment la connexion et l’assimilation du savoir global, l’adaptation et de création d’un savoir local pour le bénéfice socio-économique via un Système National d’Innovation (SNI) viable.
Alors que les quatre piliers de l’ES ci-dessus sont nécessaires à la fondation d’une économie prospère basée sur le savoir, ils restent insuffisants quant à la réalisation d’une société durable. Afin de garantir la durabilité, il est fondamental de mieux caractériser la Société du Savoir (SS) que nous allons construire en général et le type d’innovations que nous allons produire en particulier.
Dans ce cadre, la croissance économique, la cohésion sociale et la protection de l’environnement doivent aller main dans la main pour faire du développement durable une partie intégrale de l’élaboration des politiques. Les dimensions complémentaires d’ES et de durabilité intégrées dans un cadre systémique nécessitent une gouvernance adaptée et une architecture institutionnelle cybernétique capable des fonctions requises de direction, de surveillance et de coordination.
Evidemment, avoir une vision, une forte volonté de la poursuivre et même une occasion unique de la lancer est loin d’être suffisant si les substrats socio-politiques, institutionnels et matériels minimaux n’existent pas!
En effet, la Tunisie est un pays avec des ressources naturelles restreintes, une élaboration de politiques de ST&I et des expériences de gestion en R&D limitées et des institutions de coordination et de contrôle en ST&I presque inexistantes et au mieux non fonctionnelles.
Donc, pour que la Tunisie converge rapidement et progressivement vers cette vision, elle doit garantir l’adhésion de toutes les parties prenantes, chercher clairement et concevoir des secteurs polarisant de croissance stratégique avec un portefeuille d’initiatives phares de croissance dans le cadre d’un plan d’action global et cohérent de développement à long terme.
Les économies fortes comptent généralement sur trois principaux secteurs phares, à savoir l’armement, le spatial et la santé. Cependant, les petits pays, comme la Tunisie, avec des ressources naturelles limitées, un petit marché, une main-d’œuvre bon marché en lente diminution et une base hautement qualifiée relativement forte, ont le potentiel de s’engager avec succès dans des secteurs et des technologies à haute valeur ajoutée, tout en investissant de manière viable dans des secteurs pour sa sécurité stratégique, par exemple, l’agriculture, l’énergie et l’eau.
Afin que la vision ci-dessus réussisse et mène ainsi vers la durabilité, il est nécessaire d’œuvrer à l’instauration d’une société de consommation et de production durables dont la performance pérenne est mesurée par des indicateurs appropriés, tels que son empreinte. Simultanément, la Tunisie doit focaliser au départ sur les technologies éco-efficaces et aller progressivement mais sûrement vers l’innovation verte avec un engagement entrepreneurial fort et dynamique renforcé par des investissements publics agressifs.
Pour faire cela et pour renforcer la résilience face aux perturbations, la Tunisie a besoin de toute urgence de développer les capacités et d’acquérir le savoir-faire, les méthodologies et les outils adéquats particulièrement pour l’analyse et la conception fondée sur des preuves, la planification et la gestion stratégique, la prévoyance pour le développement, la réorientation et l’établissement de priorités pour le SNI et l’élaboration de feuilles de routes pour la technologie et l’innovation.
Revigoré par cette vision et les stratégies viables et les plans d’action nécessaires pour l’atteindre, le peuple tunisien sera en mesure de reprendre espoir, donner confiance à son leadership et travailler dur en attendant avec impatience un avenir meilleur pour lui-même et pour ses enfants. Néanmoins, cela n’est possible que si le contexte politique est mûr pour une telle entreprise. Tout en préparant les bases nécessaires pour lancer cette vision et gagner autant de terrain que possible pour la mise en œuvre réussie de ce processus long et complexe qui durera quelques décennies, le gouvernement actuel, avec le soutien de l’opposition et de toutes les institutions concernées, devrait s’entendre sur une convention inclusive post-révolution, s’abstenir de jeux de pouvoir politique et garantir les trois nécessités suivantes : (i) la sécurité, (ii) des emplois pour les jeunes et (iii) le redémarrage de l’économie.
Une tentative de mettre en œuvre un projet similaire a été initiée par l’ancien chef du gouvernement et immédiatement abandonné par le principal parti politique, dont le secrétaire Général n’est rien d’autre que l’initiateur!
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