Cette modeste contribution intervient à un moment où la Tunisie cherche à trouver son chemin vers une véritable démocratie, une croissance équitable ainsi que la dignité pour son peuple. Le chômage des jeunes en général et celui des diplômés du supérieur en particulier ont constitué le carburant principal de la Révolution du Jasmin.
À moins d’identifier les véritables causes sous-jacentes, toutes les solutions prescrites, aussi ingénieuses soient-elles, ne produiront pas les résultats collectivement désirés.
Ce bref document tente de montrer que la cause-clé sous-jacente, et donc le talon d’Achille de la Tunisie, est la mauvaise structure de son industrie.
Le cadre analytique du Système national d’innovation (SNI) est utilisé pour s’attaquer à ce problème complexe et durable. Des indicateurs normalisés, couvrant les principales composantes du SNI, sont utilisés dans le but de démystifier les coupables et d’engager un processus curatif collectif pour notre société souffrante.
Les secteurs de l’enseignement, de la recherche scientifique et de l’innovation ont toujours eu une place de choix dans la stratégie de développement de la Tunisie. Cela vient en reconnaissance de leur rôle essentiel dans le développement du pays.
Selon les données de la Banque mondiale, les dépenses de la Tunisie sur l’éducation en 2008 étaient de 6,3% du PIB, ce qui est nettement supérieur au taux de dépenses de l’Algérie (4,3% en 2008) et celui du Maroc (5,4% en 2009). En 2009, 34,4% de la population concernée ont bénéficié de l’enseignement supérieur (Algérie : 32,% en 2011, Maroc : 13,2% en 2009).
Selon le Rapport sur la compétitivité mondiale du Forum économique mondial 2011-2012, la Tunisie est classée 24ème quant à la scolarisation dans l’enseignement primaire et 40ème quant à sa qualité.
Par ailleurs, le même rapport classe la qualité globale du système éducatif à la 41ème place et la qualité de l’enseignement des mathématiques et des sciences à la 18ème place. Il est cependant malheureux de constater que la Tunisie a été beaucoup mieux classée l’année dernière!
Inscriptions, enseignement supérieur (% brut)
Les dépenses pour la R&D ont vu une augmentation constante au cours de la dernière décennie. Elles ont plus que doublé, passant de 0,5% en 2000 à 1,1% en 2009. Même si cette performance reste inégalée dans la région (par comparaison elle est de 0,1% pour l’Algérie en 2005 et de 0,6% pour le Maroc en 2006), elle échoue à répondre aux besoins du pays à remonter dans la chaîne des valeurs. Le nombre de chercheurs en R&D, par million d’habitants, a presque triplé au cours des deux dernières décennies. En effet, l’indicateur est passé d’environ 700 en 1998, à 1,900 en 2008. Cette performance reste notable dans la région par rapport à 170 pour l’Algérie en 2005 et 661 pour le Maroc en 2008. En ce qui concerne les articles de revues scientifiques et techniques, la Tunisie a réussi à dépasser exponentiellement ses voisins et atteindre 1022 publications en 2009, alors qu’elle a simplement publié 91 articles en 1993. En comparaison, l’Algérie a publié 123 articles en 1993 et 606 en 2009. Cependant, le Maroc a vu ses 164 publications de 1993 atteindre seulement 391 en 2009.
Articles de revues scientifiques et techniques
Cette croissance exponentielle des publications est directement liée à la restructuration majeure qui a eu lieu suite à la promulgation de la Loi d’Orientation de 1996. En fait, un examen plus attentif de ces dynamiques, en particulier dans les domaines académiques bien établis tels que la chimie, montre sans aucun doute la relation de cause à effet entre la date de promulgation de cette législation et le développement des publications qui s’ensuivit.
Selon Thomson Reuters en 2011, le nombre de publications par million d’habitants fait de la Tunisie le premier pays en Afrique et la place également devant l’Arabie Saoudite.
Un grand nombre de ces publications ont été publiées à la suite de travaux de recherche en collaboration entre les chercheurs tunisiens et leurs principaux collègues à l’étranger.
Le Rapport sur la Recherche Globale en Afrique publié par Thomson Reuters en avril 2010, révèle que la Tunisie avait 32,6%, 2,8%, 2,7%, 2,5% et 2,1% de ses publications en collaboration avec la France, les Etats-Unis, l’Italie, l’Espagne et le Royaume-Uni, respectivement. Ces résultats sont analogues à ceux de l’Algérie, montrant des similitudes entre les pays voisins, mais remarquablement différents pour l’Égypte qui collabore non seulement avec les États-Unis et le Royaume-Uni, mais également avec l’Allemagne, le Japon et l’Arabie Saoudite. Il faut noter que ces statistiques changeront très certainement en faveur de la coopération Tunis-Allemande vu qu’un ambitieux programme bilatéral de coopération en recherche et innovation a été lancé pour la première fois dès le début de cette année.
Malheureusement, cette performance relative de la Tunisie est compensée par la modeste contribution des activités de R&D à l’économie tunisienne. Pour exemple, le rapport de la Banque africaine de développement, “Tunisie : Défis économiques et sociaux post-révolution“, a signalé que seulement 17 brevets internationaux ont été accordés par l’USPTO et l’OEB à la Tunisie entre 2001-2010 et 22 pour le Maroc.
Cette observation est corroborée par la faible performance en exportation de haute technologie. En effet, la Tunisie a exporté 4,9%, en 2010, alors que le Maroc a atteint les 7,7%. Ces résultats sont révélateurs d’une rupture dans le SNI tunisien, malgré l’évolution notable du nombre de chercheurs, des ingénieurs et des scientifiques, ainsi que des publications scientifiques et techniques. Il est évident que ces performances contrastées entre la Tunisie et le Maroc, malgré les différences notables en faveur de la Tunisie dans les indicateurs ci-dessus, est une indication des différences structurales, qui se sont produites en 1997, en aval, le long des chaînes respectives de l’innovation!
Exportations haute technologie (% exportations produits manufacturés)
Encore une fois, le rendement qui est loin d’être satisfaisant du système de l’innovation est clairement confirmé par l’Index Global de la compétitivité 2011-2012, où la Tunisie atteint juste un pauvre 3,6 en matière d’innovation et un 3,8 en préparation technologique; ce qui donne un score de 3,9 dans l’index de l’innovation et de la sophistication. En outre, de faibles dépenses en R&D en entreprise, avec un score de 3,4 ainsi qu’un faible indice de collaboration université-industrie en R&D de 3,7 expliquent la faible capacité de 3,4 pour l’innovation des PME tunisiennes.
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