Le président de la République française, François Hollande, est en Tunisie. Il effectue une visite d’Etat et son programme place le tourisme en tête des priorités. Que peut-il vraiment? Quelle perception a-t-on du côté tunisien de son «emprise» sur la reprise du tourisme français sur la destination? Est-ce les politiques français qui font croire qu’ils peuvent influer sur le business et le choix des vacanciers?
La France pourvoit plus d’un million de touristes au marché tunisien mais accuse, depuis le 14 janvier 2011, une baisse vertigineuse. Même si les baisses sur le marché italien ou espagnol, à titre d’exemple, sont tout autant importantes, il n’en reste pas moins vrai que de nombreux autres marchés dont le britannique et l’allemand ont presque retrouvé leurs couleurs d’avant.
La France boude la destination et tous les efforts fournis pour faire revenir les touristes sont restés vains.
Du côté des politiques tunisiens, on avance la «psychose de l’insécurité». Du côté de la société civile, on affirme que les Français sont tenus régulièrement informés des dérapages qu’enregistre la Tunisie dans sa phase de transition comme les affaires des condamnations des Femen, du rappeur Weld El 15 et des condamnations des journalistes qui pèsent sur la perception générale que l’on a outre mer du pays.
S’il ne fait aucun doute que les Français sont plus informés que des citoyens originaires d’autres pays européens via leurs médias qui se sont fortement déployés en Tunisie depuis le 14 janvier 2011, il n’en reste pas moins vrai que le produit tunisien s’est essoufflé et n’avait presque plus que le «prix» à offrir. Les forums de discussion, les partages d’expériences témoignent en masse de la dégradation de l’environnement depuis les événements de Janvier. Ils y ont rajouté une couche.
Pour sa part, le Quai d’Orsay n’a cessé de multiplier les appels à la vigilance. Sur son site, on lit notamment: «L’état actuel de la situation n’interdit pas le maintien de projets de voyage en Tunisie. Toutefois, dans le contexte régional actuel, les ressortissants français sont appelés à une vigilance particulière. Les consignes de prudence sont rappelées et plus particulièrement celles visant à éviter tout rassemblement et à se tenir éloigné des axes ou des bâtiments sensibles. Tout déplacement dans le Grand Sud saharien et dans la zone frontalière tuniso-algérienne du centre-ouest est à proscrire».
Pour en revenir à la visite de François Hollande, que peut-elle en pleine haute saison?
Rares sont ceux qui aspirent à un quelconque impact de cette visite sur la saison. Les carottes sont cuites et même le «last minute» est difficilement récupérable en proportions sur le marché français. L’image d’une visite officielle aura-t-elle d’autres impacts?
Au vu de l’actualité dans la région et principalement en Egypte, peu de place sera accordée à la visite présidentielle française dans les journaux télévisés, si tant est que les Français y accordent un intérêt en particulier.
François Hollande est accompagné par Sylvia PINEL, ministre de l’Artisanat, du Commerce et du Tourisme; et du côté professionnel par René Marc CHIKLI, président du CETO (patronat des voyagistes français), Georges COLSON, président du SNAV (Syndicat national des agences de voyage), Jean-Jacques DESSORS, directeur général pour l’Afrique, le Moyen-Orient, l’Océan Indien et les Caraïbes du groupe ACCOR, et Raouf BEN SLIMANE, PDG du voyagiste Thalasso No1.
Tout ce beau monde travaillera sur de «nouvelles opportunités de croissance en Tunisie»; et débâtera d’une nouvelle Tunisie projetée vers l’avenir. Il s’agira, entre autres, de dynamiser les partenariats industriels au cours de 35 minutes au siège de l’UTICA qui seront consacrées au tourisme, en présence de Jamet GAMRA, ministre tunisien du Tourisme, d’Afif KCHOUK, directeur du magazine «Tourisme Info» et organisateur du salon du tourisme MIT, et René Marc CHIKLI. Une occasion pour discuter une fois encore des opportunités.
Or, le tourisme tunisien reste malade des opportunités qu’il ne sait convertir. C’est à ses opérateurs et à l’administration qu’il revient de s’atteler à la tâche avec assurément tous les conseils possibles des différents partenaires dont français. Mais il est temps de cesser de croire aux faux miracles.
Ce n’est que le travail et l’investissement dans des résolutions économiques et politiques courageuses et audacieuses que le tourisme tunisien se sortira de son marasme. Le jour où il saura parler à tous les marchés en déployant toutes sortes de produits autres que ceux qui parlent davantage au français ou autre, il se portera mieux.
Le jour où, comme le tourisme français, il sera porté, défendu, régulé par des privés qui seront ses défenseurs autant que soldats. Le jour où, comme le tourisme français, il sera hors de portée des politiques qui pensent pouvoir souffler le chaud et le froid.
Pour le moment, les Français opérant dans le secteur du tourisme essayent «d’évoquer la situation délicate que rencontre la destination et les actions à mettre en œuvre entre le pays et les agences de voyage françaises”, précise un communiqué du SNAV.
De gros enjeux financiers sont en jeu. De nombreux opérateurs travaillent principalement sur les moyens courriers dont la destination Tunisie et Egypte. Comme les operateurs sud-méditerranéens, ils affrontent de grosses difficultés au vu de la chute de leur chiffre d’affaires. Un équilibre qu’il va falloir construire à nouveau, ensemble. D’égal à égal pour préserver un secteur économique vital pour toute la région.