Longtemps absent, malgré lui, de Libye, Tuninvest Group est en train d’y réussir une percée discrète mais néanmoins remarquable. Le champion maghrébin et africain du private equity –et également de la corporate finance, de la gestion d’actifs et de l’intermédiation en Bourse via la société sœur Tunisie Valeur- a pris pied dans ce pays début 2011, peu avant la chute du régime Kadhafi, en rentrant au capital de Jafara Food, entreprise de production de produits alimentaires et de jus, rachetée en 2006 au moment de sa privatisation par MIMS Group, «premier groupe privé en Bosnie», souligne Mehdi Gharbi, associé en charge des investissements du Groupe Tuninvest en Libye et en Algérie.
S’appuyant sur les conseils et le soutien managérial de Tuninvest, Jafara Food est devenue en deux ans le n°2 dans l’eau minérale, avec un chiffre d’affaires de 13 millions de dinars en 2012, et de 25 millions de dinars en 2013. La société ambitionne de s’imposer également dans l’industrie des jus et des boissons gazeuses et d’y réaliser les 2/3 des 100 millions de dinars de chiffre d’affaires projeté pour 2015. «Nous sommes en train de renforcer les capacités de Jafara Food dans le PET pour le jus, pour y augmenter sa part de marché et de préparer l’introduction des boissons gazeuses», note Mehdi Gharbi.
Avant de découvrir cette société et de l’intégrer à son portefeuille, Tuninvest n’était pas en mesure d’investir en Libye. Car la Libye a longtemps figuré sur la liste noire des pays où les agences multilatérales de développement interdisaient aux gestionnaires de leurs capitaux –comme Tuninvest-Africinvest- d’investir, explique le responsable des investissements de ce groupe en Afrique du Nord.
Demeuré en vigueur après la réconciliation avec l’Union européenne et les Etats-Unis, en 2006, ce véto ne sera levé qu’en 2010. Africinvest Fund II, un fond généraliste de 143 millions d’euros, lancé par AfricInvest Capital Partners (member de Tuninvest Group), sera le premier fonds autorisé à investir en Libye.
Sa première opération sera conclue en février 2011. Tuninvest investit alors dans Jafara Food un montant inconnu sous la forme d’une émission d’obligations convertibles destinée à couvrir l’expansion de la société et à satisfaire ses besoins en fonds de roulement. Une opération que Tuninvest Africinvest prendra soin de faire garantir –à hauteur de 9,8 millions de dollars- par MIGA (Multilateral Investment Garantee Agency, filiale de la Banque mondiale), contre les risques de restriction de transfert, expropriation, guerre et troubles civiles. Des risques auxquels l’entreprise a su faire face pendant les huit mois de guerre civile ayant abouti à la chute du régime Kadhafi.
Plus même, cette phase a été, paradoxalement, bénéfique à la société. «Bien que ses installations se trouvent à 30 km d’une caserne jadis contrôlée par l’un des enfants de Kadhafi, Jafara Food a continué à produire pendant le conflit», rappelle Mehdi Gharbi. Cette épreuve «a boosté l’image de l’entreprise», se félicite notre interlocuteur.
Fort de cette première success story libyenne, Tuninvest n’entend pas s’arrêter en si bon chemin dans ce pays. Malgré un cadre juridique encore instable, «nous avons beaucoup d’appétit pour le marché libyen», assure “Monsieur Libye“ de Tuninvest.
Le champion maghrébin et africain du private equity est de fait en train de s’employer «à susciter des opportunités» dans les secteurs les plus porteurs en Libye: finance (banque, leasing et assurance), télécoms, agroalimentaire, et matériaux de construction. Une «chasse» qui promet d’être fort fructueuse, car la réputation du «chasseur» -Tuninvest, en l’occurrence- passé maître dans l’art de transformer des pépites comme Jafara Food en «champion régional», selon le mot de Mehdi Gharbi-, est déjà très bien établie à l’échelle de la région..