Le déplacement d’une cinquantaine de chefs d’entreprise français en Tunisie à l’occasion de la visite d’Etat qu’y a effectué le président François Hollande, les 4 et 5 juillet 2013, était une bonne nouvelle, comme notre pays n’en connaît pas beaucoup par les temps qui courent. Bonne nouvelle, car l’incertitude et les difficultés caractérisant le présent et l’avenir proche de la Tunisie sur le plan politique, social, sécuritaire et économique auraient pu en détourner les investisseurs français en particulier et étrangers en général, tout comme elles ont déjà entraîné le départ de certains d’entre eux.
Mais plus que leur seul déplacement à Tunis, c’est le discours et plus particulièrement les questions qu’ont posées les chefs d’entreprise accompagnant le chef de l’Etat français qui attestent de leur volonté d’engagement en Tunisie et avec elle.
Aussi étonnant que cela puisse paraître dans le présent contexte, les investisseurs français n’ont jamais -durant leurs discussions avec les responsables tunisiens, jeudi 4 juillet 2013 au siège de la présidence du gouvernement (en particulier, avec Ridha Saïdi, ministre délégué auprès du chef du gouvernement, chargé des Affaires économiques, et Elyès Fakhfakh, ministre des Finances), et le lendemain, vendredi 5 juillet, lors du Forum économique tuniso-français, organisé au siège de l’UTICA- interpellé leurs interlocuteurs sur des sujets aussi sensibles et importants, pour des gens comme eux, que le manque de visibilité politique et la situation sécuritaire.
Leurs interrogations ont porté exclusivement sur ce que le gouvernement envisage de faire pour améliorer le climat des affaires et sur ses projets dans certains secteurs en particulier.
Durant le débat au siège du gouvernement à La Kasbah, Denis Simonneau, conseiller diplomatique et membre du Comité exécutif de GDF Suez en charge des relations européennes et internationales, s’est ainsi enquis du calendrier que les autorités entendent suivre en matière de déploiement du Partenariat Public/Privé (PPP). «La loi sur le PPP a déjà été discutée et adoptée par la Commission des finances, de la planification et du développement. Elle figure parmi les dix textes de loi, sur un total de 70, qui vont passer en priorité en plénière», a répondu M. Saïdi.
Le ministre délégué a également précisé que les premiers projets de PPP pourraient voir le jour dans la logistique et que la première des plateformes projetées à être réalisée sera celle du Port de Radès.
De plus, public et privé pourraient également réaliser des projets dans les technologies de l’information et de la communication, la numérisation des archives, la géomatique, le cartable électronique, etc.
Philippe Delleur, directeur international et président d’Alstom International, -«qui participe déjà au développement des infrastructures en Tunisie»-, a demandé des explications sur le mix énergétique que la Tunisie compte appliquer au cours des années à venir. Le même Ridha Saïdi a indiqué que ce mix sera composé d’énergies renouvelables à hauteur de 30% et de gaz naturel à 70% jusqu’en 2030 et, surtout, que jusqu’à cette date, la Tunisie n’aura recours ni au nucléaire ni au charbon en raison de «ses conséquences environnementales».
Revenu en Tunisie il y a deux ans, après l’avoir quitté quelques années plus tôt, Accor est curieux de savoir comment les autorités comptent «changer le modèle touristique basé longtemps sur le balnéaire et un mode de distribution extrêmement packagé». Réponse de l’actuel ministre des Finances, auparavant en charge Tu tourisme: «Pour la Tunisie, qui passe par une situation difficile, la priorité a été de récupérer nos marchés. Mais le tourisme étant resté trop concentré sur le balnéaire, notre stratégie vise aujourd’hui la diversification dans le tourisme de santé, culturel, de plaisance, etc.».
Quid du transport aérien qui, en l’absence de l’open sky, «entrave le développement du tourisme individuel?», questionne Jean-Jacques Dessors, directeur général Afrique, Moyen-Orient, Océan indien et Caraïbes, à Accor. «Nous avons déjà eu deux rounds de discussions avec l’Union européenne au sujet de l’open sky. Nous comptons ouvrir d’une manière qui n’impacte pas trop négativement le paysage actuel, au cours des 2 à 3 prochaines années», affirme Elyès Fakhfakh.
La modernisation de l’Etat et des banques a intéressé un opérateur dans l’industrie du logiciel qui voulait comprendre comment les pouvoirs publics vont s’y prendre pour «moderniser la structure informatique de l’Etat». Ridha Saïdi confirmera que «nous avons des projets de modernisation des process de l’administration». Pour ce faire, un programme d’open gov a déjà été lancé et le gouvernement compte en plus adopter les tablettes pour les conseils ministériels.
Des projets informatiques sont également en préparation en rapport avec les réformes en cours, révèle Nizar Alaya, le «Monsieur Numérique» du gouvernement. A titre d’exemple, il est envisagé pour la gestion des transferts sociaux de mettre en œuvre des technologies et des systèmes dédiés dont, éventuellement, la carte universelle.
«L’Etat doit être une force motrice et investir massivement dans le numérique, car c’est là la clef de la modernisation, y compris dans l’industrie, les services et l’administration», insiste Alexandre Zapolsky, p-dg de Linagora –qui opère en Tunisie dans l’édition de logiciels et les services en open source, lors du Forum Economique tuniso-français. Qui affirme à l’adresse de ses collègues français qu’«il y a de très belles opportunités de croissance vers le Maghreb et l’Afrique. Il faut utiliser tous les moyens, dont le nouveau code des investissements, pour investir ensemble»..