à Aoiz, en Navarre (Photo : Rafa Rivas) |
[13/07/2013 14:17:06] Aoiz (Espagne) (AFP) Masque sur le visage et ponceuse à la main, deux ouvriers peaufinent la surface d’une pale d’éolienne, dans l’usine Gamesa d’Aoiz, en Navarre. Rigueur oblige, ce ne sont pas les vents espagnols qui la feront tourner mais ceux, plus lointains, de la Finlande.
“L’an dernier, nous avons livré un parc éolien à Malaga et un autre à Burgos”, raconte le gérant du site, Javier Trapiella, mais “actuellement, nous ne produisons pas pour l’Espagne, tout est arrêté”. Pour les énergies vertes, l’Espagne est passée en quelques années de véritable paradis, avec de généreuses aides publiques, à un territoire nettement moins agréable, car le gouvernement impose une cure d’austérité pour réduire l’énorme déficit généré par la production d’électricité (26 milliards d’euros en cumulé).
Vendredi, l’horizon s’est encore assombri avec l’approbation d’une réforme coupant les aides aux énergies renouvelables de plus d’un milliard d’euros. De quoi menacer les progrès espagnols: selon le Conseil mondial de l’énergie éolienne (GWEC), Madrid se situe au quatrième rang mondial par la puissance installée, mais en 2012 elle est tombée à la septième place en termes de nouveaux projets.
En Espagne, “l’énergie éolienne a représenté une vraie révolution énergétique, nous sommes passés en vingt ans de produire zéro kilowatts à générer actuellement 20% de la demande nationale”, témoigne Heikki Willstedt Mesa, directeur des politiques énergétiques à l’association de l’éolien AEE.
Aoiz, le 8 juillet 2013, en Espagne (Photo : Rafa Rivas) |
Dans la quatrième économie de la zone euro, le vent est régulièrement la première source d’électricité. “Malheureusement, depuis 2009, le gouvernement a ralenti avec diverses mesures réglementaires le développement de l’éolien en Espagne”, regrette-t-il. Baisse des aides de 35%, suppression des subventions aux nouvelles installations début 2013, puis cette nouvelle réforme vendredi: le coup est dur pour le secteur, et les premiers à souffrir sont les fabricants. En février, le français Alstom a fermé deux usines en Espagne et licencié 373 employés: “la crise économique et l’absence d’un cadre réglementaire stable ont freiné la demande interne”, a-t-il expliqué, insistant sur “le manque de charge de travail des sites espagnols”.
Mêmes motifs évoqués par l’espagnol Gamesa, un des leaders mondiaux, qui a supprimé ces derniers mois 606 emplois, sur 4.800 en Espagne, et fermé deux usines de production de pales. Le groupe a notamment évoqué “l’incertitude réglementaire” et “la persistance de la crise économique et du secteur, principalement dans le sud de l’Europe”.
Fabriquer une éolienne, “c’est un travail presque artisanal, il faut de bonnes mains”, raconte Javier Trapiella: les pales, en fibre de verre et fibre de carbone, mesurent 62,5 mètres et pèsent 15 tonnes chacune. Quand elles seront terminées, elles partiront par camion spécial, de nuit, jusqu’au port de Bilbao, avant de voyager en bateau jusqu’en Finlande. D’ici février, une quarantaine seront livrées.
“S’il y a dix ans, il pouvait y avoir 90% de nos ventes en Espagne, aujourd’hui c’est tout le contraire, 90% des ventes sont à l’étranger”, explique José Antonio Cortajarena, directeur général corporatif de Gamesa. Désormais “nous sommes présents dans plus de 50 pays”, dit-il, citant le Mexique, le Brésil et l’Inde comme marchés porteurs, donc “même si nous sommes une entreprise avec un siège social en Espagne, le risque, notre dépendance au marché espagnol, est limité”.
L’association AEE est moins rassurée. “On a détruit 25 emplois par jour dans l’éolien depuis le début de l’année et le secteur est à la limite, il ne peut pas supporter plus de coupes”, affirme-t-elle. D’autant que le secteur a déjà beaucoup souffert. “Dans l’éolien, sur les 43.000 emplois qu’il y avait en 2009, il n’en reste plus que 23.000”, rappelle Sergio de Otto, secrétaire général du groupe d’entreprises Fundacion Renovables.