à Madrid le 15 décembre 2010 (Photo : Dominique Faget) |
[21/07/2013 10:19:20] Madrid (AFP) hoto1]
Encouragée par son contrat du “TGV du désert” en Arabie Saoudite, l’Espagne met le cap sur l’étranger, espérant y vendre ses trains à grande vitesse: une stratégie motivée par sa situation économique mais dont les bénéfices restent incertains.
Prochain objectif, le Brésil, où la ligne Rio-Sao Paulo-Campinas, la première à grande vitesse d’Amérique du Sud, sera attribuée en septembre pour un budget estimé à 16,4 milliards de dollars (12,7 milliards d’euros). L’Espagne y présente un consortium de 11 entreprises publiques et privées (dont trois groupes étrangers).
Ce contrat “est important parce que c’est l’Amérique Latine, et les relations entre l’Espagne et l’Amérique Latine sont particulièrement intenses”, souligne Rafael Catala, secrétaire d’Etat aux Transports, dans un entretien avec l’AFP.
“C’est (aussi) important parce qu’il s’agit de grande vitesse et nous voulons démontrer que nous sommes les leaders mondiaux dans ce domaine”.
Pour le prouver, Madrid dispose d’une carte de visite prestigieuse: sa victoire en 2011 à l’appel d’offres pour la ligne La Mecque-Medine, surnommée “TGV du désert”. Un exploit de 6,7 milliards d’euros, soit son plus gros contrat international de l’histoire, gagné de haute lutte face au tandem français Alstom-SNCF.
“Cela nous a mis sur le devant de la scène”, se réjouit Pedro Fortea, directeur général de l’association ferroviaire Mafex, qui assure la promotion de 73 entreprises à l’extérieur.
“C’est une aide pour se faire connaître dans beaucoup d’endroits, cela place l’Espagne comme pays de référence dans ce secteur”, ajoute-t-il.
Surtout que la quatrième économie de la zone euro a un autre atout dans sa manche: son réseau national de “alta velocidad espanola” (AVE) de 3.100 kilomètres est le deuxième au monde derrière la Chine.
“En développant son propre réseau, on gagne aussi la connaissance” dans ce domaine, rappelle Alejandro Lago, professeur de logistique à l’IESE Business School, et “au final, le monde de la grande vitesse est un monde où la connaissance et les ressources se concentrent sur 3-4 pays”, avec comme principaux concurrents la France, l’Allemagne et le Japon.
L’Espagne, qui mise sur des champions nationaux comme le fabricant de trains Talgo ou la société technologique Indra, avait déjà conquis la Turquie pour la ligne Ankara-Istambul, inaugurée en 2009.
Désormais, le Brésil et les États-Unis sont parmi les marchés qu’elle vise dans l’immédiat. “Il y a aussi une série de projets prévus à moyen terme en Russie, au Kazakhstan et dans les Émirats”, explique le secrétaire d?État.
Mais si les entreprises espagnoles cherchent leur salut à l’étranger, c’est surtout parce qu'”elles n’ont pas d’autre choix”, estime Alejandro Lago: en récession, le pays applique une cure d?austérité sans précédent, freinant ses dépenses en infrastructures.
C’est aussi une manière, pour l’Espagne, de trouver hors des frontières le trafic qu’elle n’a pas chez elle: si l’on compare en nombre de voyageurs au kilomètre, “la France en a six fois plus, le Japon quinze fois plus!”, critique Germa Bel, spécialiste du secteur à l’université de Barcelone.
Toutefois, l’étranger n’est pas forcément synonyme d’Eldorado car dans le monde, la grande vitesse “n’est pas un marché énorme”, remarque Alejandro Lago.
“Ce qu’ont fait la France ou l’Espagne, en misant d’un point de vue politique sur un modèle national de mobilité dans lequel la grande vitesse a la priorité par rapport à d’autres moyens de transport, il n’est pas si évident que beaucoup d’autres pays le fassent”, met-il en garde, surtout en temps de crise: “l’analyse coûts-bénéfices de la grande vitesse est relativement difficile à justifier, si ce n’est à très long terme”.
“Dans le monde, seules deux lignes ont récupéré leur investissement: Tokyo-Osaka et Paris-Lyon”, affirme Germa Bel, qui note que la France vient de renoncer au tout-TGV, générateur de milliards de dettes.
Pour vendre les trains espagnols à l’étranger, “concentrer toute l’attention sur la grande vitesse serait une erreur”, admet Pedro Fortea, de Mafex, détaillant la palette à laquelle le pays opte déjà, entre métros, trains de banlieue ou transport de marchandises.