élevés en batterie (Photo : Fred Tanneau) |
[21/07/2013 12:33:39] Paris (AFP) Entre rage et désespoir, la colère gronde dans les campagnes où les crises agricoles ignorent la trêve estivale et frappent au c?ur les productions issues de l’élevage, lait, volaille et ?ufs notamment.
Dernier mauvais coup en date, la décision ex-abrupto de la Commission européenne jeudi de supprimer les subventions aux exportations de volailles, insoutenable pour une filière déjà mal en point même si la France était le dernier bénéficiaire de ce système pour lui permettre de contrer la concurrence du Brésil.
“C’est une catastrophe: on a 5.000 emplois au tapis dans les trois mois”, a affirmé à l’AFP Christian Marinov, président de la Confédération française avicole (CFA) qui convient que l’affaire était dans les tuyaux mais pour plus tard, à l’automne.
Sur les principaux marchés du poulet congelé à l’export, en particulier le Moyen-Orient (Arabie Saoudite, Jordanie, Émirats), les volatiles français subissent la concurrence très forte du Brésil, “30 à 50% moins cher”, a expliqué M. Marinov. “Cela nous fait très mal”. Il parle même d’un “coup de poignard dans le dos”.
Les groupes Doux et Tilly-Sabco, principaux exportateurs de volaille en Europe, comptent plus de 2.000 salariés travaillant à l’export, selon une source proche de la filière.
En vérité, sans ces “restitutions” européennes, qui ont représenté plus de 55 millions d’euros (pour 264.754 tonnes) sur les 12 derniers mois (à 93% pour la France), le poulet français n’a aucune chance.
Or, a souligné Xavier Beulin, le président de la puissante FNSEA, “au-delà de ces deux entreprises, c’est toute la filière avicole qui risque de ressentir l’onde de choc”.
élevés en batterie (Photo : Fred Tanneau) |
“On a 2,5 millions de mètres carrés qui produisent du poulet pour l’export: qu’en fait-on?” a-t-il demandé.
Risque” de destabilisation
M. Beulin, qui a décidé d’en appeler au chef de l?État, explique comme les équilibres du marché sont fragiles: imaginons, dit-il, que 10 à 20% des éleveurs qui travaillaient pour l’export se redéploient sur le secteur “premium” des poulets à label: “On déstabilisera tout”, a-t-il conclu.
Simultanément, le secteur de la volaille est aussi confronté à une surproduction d??ufs et à l’effondrement des cours. Les producteurs qui ont investi l’an passé pour mettre leurs installations aux normes européennes du bien-être animal -provoquant pendant les travaux un déficit- élèvent aujourd’hui trop de poules -“un bon 5%”, selon M. Marinov.
Résultat: un ?uf qui coûte 6,50 centimes d’euros à produire est payé 4,50 aux quelque 3.000 producteurs français. Et pendant ce temps les importations continuent à bas coût, en provenance d’Espagne notamment. Or la consommation reste stable.
“C’est vrai qu’entre la volaille, le porc, les ?ufs et le lait, on a quatre filières en crise profonde”, a confirmé M. Beulin.
Les producteurs de lait qui ont obtenu en avril une revalorisation des prix de 25 euros pour 1.000 litres, loin de rattraper la hausse d’environ 30% des couts de l’alimentation animale, restent sur leur faim.
Des vaches (Photo : Jean-Pierre Muller) |
“Tout le monde est dans la confrontation”, indiquait vendredi à l’AFP le médiateur du ministère sur les prix agricoles, qui a dû convoquer les différents acteurs ce mois-ci pour calmer les esprits. La Fédération de l’industrie laitière a même dénoncé “un climat perpétuel de lutte de classe” pour illustrer les tensions en cours.
Au total, ce sont toutes les filières animales qui souffrent. En rendant les conclusions de leur mission d’information sur la viande, jeudi, les sénateurs alignaient les “chiffres inquiétants” des filières concernées: 2 millions de porcs produits en moins sur la décennie; 44% des poulets consommés sont aujourd’hui importés (contre 8% en 1990); quant aux effectifs de bovins ils ont baissé de 20% et ceux d’ovins de 31% en 20 ans.
Mais, quand l’élevage décline, toute la filière industrielle est à la peine: “Le secteur de l’abattage-découpe est en surcapacité” constatent les sénateurs. Or, rappellent-ils, l’industrie de la viande en France représente près de 5.000 entreprises et 230.000 employés. Dont bon nombre risquent de passer un été avec un moral à marée basse.