Quel sentiment prévalait à l’issue de ce premier entretien du chef du gouvernement avec les radios tunisiennes? Indiscutablement, le flou a régné de bout en bout. Tout a été abordé mais l’on n’a avancé sur aucun sujet. Frustrant !
Il est toujours malaisé de porter un regard critique sur le travail réalisé par des confrères. Tout doit passer par le prisme de l’éthique et de la déontologie. Notre démarche s’entend, précisons-le bien, sur un plan strictement technique, hors champ polémique.
Des questions ouvertes, des échanges trop mous
Nos confrères qui ont conduit l’entretien présentent des états de services irréprochables, il n’est donc pas question de dévaloriser leur travail. Mais force est de reconnaître que leur approche technique a été plus académique que professionnelle. Nos confrères n’ont pas eu assez de mordant. Les sujets abordés ont été formulés de manière peu incisive, sans rebond sur les réponses du chef du gouvernement. Et là, le rendement a été, de notre point de vue, assez faible.
Tout le temps que le chef du gouvernement reste sur des réponses génériques et des attitudes de principe, l’opinion ne sera pas plus informée à la fin de l’entretien qu’elle l’était auparavant. Les questions ouvertes donnent lieu à des réponses larges, qui ne font qu’effleurer le sujet, sans permettre de faire avancer le débat. Et nos confrères le savent. Les échanges ont été timorés, ce qui a occasionné une grosse déconvenue dans l’opinion.
La précision n’a pas été de mise, hélas !
Une rangée de quatre journalistes, qui plus est, chevronnés, au quotidien “sur l’actualité“, ce devait être une ligne infranchissable, et pourtant elle a été aisément transpercée par l’interviewé.
Négliger les aspects chauds de l’actualité, c’est prendre le risque de rater une occasion pour pimenter les échanges. Et, surtout pour informer l’opinion, car c’est là, ne l’oublions pas, le but premier de ce rendez-vous.
Kamel Ben Massoued avait démissionné de l’ISIE en dénonçant les tractations politiques au sein de l’instance. Est-il permis de passer à côté? L’ISIE est mise sur pied, n’est-ce pas qu’il lui revient de décider du calendrier électoral? Prendre pour de l’argent comptant la tenue d’élections à la fin de l’année 2013 est surprenant.
Kamel Jendoubi, ex-président de l’ISIE originelle, a fini par convaincre qu’un délai de plusieurs mois est nécessaire pour compléter les listes électorales. Aurait-on, sur cette question précise, fait dans la précipitation?
Aborder le dossier épineux du terrorisme est impératif et ça a été fait. Ne pas demander plus de précision sur la manière de traiter ce dossier, c’est rater l’essentiel. L’Algérie voisine a été ferme dans le raid de Ain Amenas. Il ne faut pas que Jebel Chaambi soit un maquis hors contrôle, car il y a une menace réelle sur la sécurité nationale.
Le pays a engagé un round de négociation avec l’UE pour un statut privilégié. Ne pas soulever la question alors que le chef du gouvernement a largement évoqué le redéploiement de la diplomatie tunisienne, c’est se contenter du peu. L’exploration est l’un des piliers du métier et nos confrères le savent bien. Ne pas progresser dans cette direction revient à laisser l’auditeur sur sa faim et l’opinion dans l’expectative. Communication, n’est pas information, c’est bien connu.
Le dossier économique, bâclé !
Le versant économique n’est pas moins noble que celui politique, et lui aussi mérite une qualité de traitement d’égale importance. Evoquer la dépréciation du pouvoir d’achat sans citer le taux d’inflation, c’est botter en touche. Le rendement du ministre du Commerce sur ce sujet précis satisfait-il le chef du gouvernement? La valse des prix des produits essentiels, dont la viande et les fruits, contrevenant à la fixation de prix de vente publics, dans un climat d’inflation tenace, est une atteinte au pouvoir d’achat. On n’est guère plus informés sur les mesures pratiques à entreprendre pour enrayer le phénomène.
Quand le chef du gouvernement affirme que l’on serait à plus de 3% de taux de croissance, alors que le plan est calculé sur une hypothèse de 4,5%, il y avait lieu de demander les raisons de cet écart.
Et, la création d’emploi, pilier de la révolution tunisienne, passée sous silence, n’est pas du meilleur effet pour la notoriété de la sphère médiatique nationale. Albert London disait qu’il faut porter la plume là où on peut débusquer l’information. Nos confrères seraient-ils passés à côté de cette considération technique. L’opinion crédite la profession de plus de 70% de jugements favorables. Ce serait bien que l’on veille, collectivement, à conserver et améliorer ce “capital confiance“.