Tunisie : «La compensation de l’énergie sera revue et corrigée», révèle Mehdi Jomaa

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«Notre vision est claire, nous passons aujourd’hui à la phase de mise en place d’un cadre légal pour encourager et inciter à l’investissement dans les énergies renouvelables, c’est l’avenir de la Tunisie. Le mix énergétique doit contribuer à hauteur de 30% à l’approvisionnement du pays en énergie. Nous ne pouvons prétendre aux 100%, ce n’est pas réaliste car il n’y a pas la flexibilité nécessaire pour réaliser de meilleures performances. Les énergies renouvelables s’appuient sur mère nature que nous ne pouvons ni maîtriser ni contrôler. Quand il n’y a pas de vent, il est fort probable que l’éolien ne puisse pas fonctionner avec toutes ses capacités; pareil pour le photovoltaïque. Le bon équilibre est de situer ce mix à 50%, ce qui n’est pas donné, du moins tout de suite et ce pour nombre de raisons dont bien évidemment le cadre réglementaire que nous sommes en train de revoir pour assurer plus d’efficience et une optimisation de nos capacités naturelles».

La déclaration est de Mehdi Jomaa, ministre de l’Industrie qui estime qu’aujourd’hui, il ne s’agit plus de s’arrêter aux discours d’intention mais de passer à la vitesse supérieure, celle de véritables réalisations afin de pallier aux carences énergétiques du pays dont les besoins en électricité s’élèvent à 2.000 mégawatts supplémentaires.

Le deal est très simple, les opérateurs privés produisent de l’électricité qui serait achetée par la STEG à un tarif commercial négocié, ce qui permettrait aux entreprises d’amortir leur investissement et de dégager des marges bénéficiaires afin de rémunérer leurs actionnaires et réinvestir de nouveau.

Mieux encore, explique le ministre : «Nous ne nous arrêterons pas seulement à la production de l’électricité mais nous œuvrerons à créer une dynamique industrielle qui portera la participation locale à hauteur d’au moins 60%. L’industriel ou le producteur intéressé par le site Tunisie doit également s’engager à faire de l’innovation dont profiterait le pays».

Pour identifier les meilleures pistes, une Task Force formée des meilleures compétences tunisiennes dans le secteur énergétique travaille sur la question. Le but est de maximiser les performances d’un secteur qui exige d’énormes moyens et qui reste à ce jour compensé par l’Etat, ce qui prive le pays de ressources financières importantes. Ressources qui devraient servir à créer des richesses plutôt qu’à couvrir des besoins ordinaires en consommation.

«Nous nous dirigeons de plus en plus vers l’encouragement de nouvelles énergies peu énergivores, en un mot appuyer les industries vertes. Aujourd’hui parce que l’énergie est subventionnée par l’Etat, nous encourageons sans nous rendre compte les industries énergivores, peu créatrices d’emploi et polluantes. Ce gouvernement avec toute sa bonne volonté ne peut plus se permettre de couvrir une facture énergétique de plus en plus lourde qui s’élève à 3.000 MDT. Ceci reste valable pour les gouvernements qui lui succèderont. Il est inadmissible que l’Etat s’endette pour encourager la consommation».

L’idée n’est pas de supprimer la subvention de l’Etat, explique Mehdi Jomaa, mais de la redéfinir, la réactualiser et limiter les dégâts au niveau du budget de l’Etat dont les efforts doivent être orientés investissements. Les grands consommateurs d’énergie sont en fait les industriels et les domestiques, et il va falloir les catégories socioprofessionnelles qui ont besoin d’être épaulées et celles qui peuvent couvrir leur consommation.

Les couches sociales faibles bénéficieront automatiquement de l’aide de l’Etat tout comme un programme sera mis en place pour encourager les investissements dans des industries propres. Un kilowattheure coûte à la STEG 340 millimes, elle le vend au consommateur à 133 millimes : «La différence est de taille, j’estime qu’il va falloir opérer de manière à ce que ceux qui ont les moyens de payer leurs factures d’électricité à des prix plus élevés assument. C’est ce qui s’appelle équité. Il va falloir stratifier les besoins selon les moyens des bénéficiaires. Le tout est de trouver les outils techniques fiables qui nous permettront de mener à bien notre stratégie. Nous étudions les meilleures méthodes visant à épargner les couches faibles et moyennes qui sont le moteur de l’économie. C’est pour cette raison que, même s’il y a un réajustement de la facture en électricité, il ne sera pas d’ampleur. Nous comptons communiquer à ce propos, car la politique des prix est la première des gouvernances à mettre en place. La sensibilisation est importante, le fait d’intégrer dans la facture d’électricité le montant de la subvention accordée par l’Etat pourrait inciter les consommateurs à être plus soucieux d’économiser l’énergie».

La Tunisie peut avancer avec ses modestes moyens, il ne suffit pas de programmer des actions mais il faut les concrétiser, atteste Mehdi Jomaa : «J’ai remarqué que l’on met en place des plans d’actions qui se perdent ensuite dans des procédures compliquées, des commissions à n’en pas finir et des décisions finales qu’on ne prend pas. Nous comptons faire simple, en associant deux ou trois partenaires avec lesquels nous pourrons avancer sur la question énergétique, l’essentiel est de réaliser les avancées dont a besoin le pays. En Tunisie, il y a des industriels qui gagnent bien leur vie et qui perdent de l’argent opérationnellement. C’est contradictoire mais en fait leurs bénéfices sont réalisés grâce à la compensation de la consommation électrique par l’Etat. Nous espérons revoir la politique industrielle de la Tunisie et opter pour les industries les moins polluantes, les plus créatrices d’emploi et les plus porteuses en valeur ajoutée».

Revoir la politique de compensation de l’énergie allègera le poids des subventions de l’Etat qui ont atteint, en 2012, le montant, oh combien effarant pour un petite Tunisie, de 6.812 MDT. Le budget consacré au développement n’a pas, pour sa part, dépassé les 4.770 MDT. Des chiffres qui se passent de commentaire.