A l’heure où la Tunisie fête un événement qui constitue tout un symbole, celui de la souveraineté de l’Eta, s’il est des choses à préserver c’est bien celles du prestige de l’Etat et de la souveraineté de son peuple.
Les Tunisiens ont découvert à quelques jours de la célébration du 56 ème anniversaire de l’indépendance un spot tv les appelant à accrocher le drapeau national à chaque maison. Un appel qui a donné à penser qu’il s’agit d’une forme d’affirmation de l’importance de la République et de sa nécessaire célébration. La République est-elle autant menacée? On pourrait le penser lorsqu’on entend ici et là –l’information a circulé sur les réseaux sociaux et quelques sites de presse électronique- qu’un député de l’Assemblée nationale constituante (ANC) a proposé un nouveau drapeau national. Sans doute un effet d’hirondelle qui ne fait pas toujours le printemps. Du drapeau national, il en a été question plus d’une fois ces derniers jours. Avec l’initiative d’un Tunisien qui a fait flotter le drapeau national sur la montagne McKinley située dans l’Antarctique haute de 6.194 mètres d’altitude.
Des commentaires se sont fait jour depuis quelques temps sur le fait que les nouveaux gouvernants du pays ne sont pas enclins à fêter les événements qui ont marqué l’histoire du mouvement national. Dans un souci de faire oublier ou de minimiser l’action engagée par les Destouriens et Bourguiba pour libérer la Tunisie du joug du colonialisme. Un débat qui continue à occuper la scène politique. Avec ses défenseurs et contradicteurs.
Mais un autre débat s’installe aujourd’hui. C’est celui de la difficulté à mettre en place la IIème République. Comprenez la République née de la révolution du 14 janvier 2011. On se souvient qu’avec l’avènement de la révolution et des élections qui l’ont suivi, on s’était remis à espérer à une deuxième République. Avec pour principal corollaire la mise en place d’une nouvelle Constitution qui instaure un nouvel Etat qui satisfasse les Tunisiens. Et dans lequel tous les Tunisiens se retrouvent.
Des craintes de voir la tension sociale s’exacerber
Force est de constater que cette Constitution, pierre angulaire de cette République tant espérée, n’est pas encore sortie des cartons des députés que le peuple s’est choisi le 23 octobre 2011. Non seulement elle n’a pas été votée –alors qu’on nous la promettait en un an-, mais aussi elle ne fait pas l’objet d’un consensus.
Les divisions dont certaines se sont exprimées par la voie de disputes –l’épisode du cahier est encore dans tous les esprits- nous donnent à penser que cette Constitution ne va pas voir le jour avant quelques mois encore. Beaucoup estiment que la «guerre» sera plus vive le jour où il faudra la voter article par article. Certains Cassandre disent même, dans ce même ordre d’idées, que la nouvelle Constitution ne pourra pas obtenir les 2/3 des suffrages nécessaires pour son adoption. Et que même le Referendum qui suivrait ce blocage au niveau de l’ANC pourrait ne pas faire le plein des voix des Tunisiens.
On reviendrait alors à la case départ. Et ce tant de nombreux articles font l’objet d’un profond désaccord. Il s’agit d’articles touchant à deux domaines précis : la nature de l’Etat et les libertés publiques.
Certains constitutionnalistes soutiennent que la nouvelle Loi fondamentale dessinerait un Etat théocratique. C’est l’avis de certains députés de l’ANC. Côté libertés publiques, il y a crainte pour la liberté de presse avec la mise en place d’une instance de l’information qui ressemblerait comme deux gouttes d’eau à un ministère de l’Information. Une instance dont tous les membres sont, de plus est, choisis par les seuls membres de la future Assemblée du peuple qui succèdera à l’ANC.
L’UGTT (Union générale tunisienne du travail) exprime, par ailleurs, des craintes concernant le droit syndical. Le droit de grève est, selon cette organisation nationale, largement menacé. Ses responsables estiment, à ce titre, que cette menace est très grave. Et a promis de s’opposer de toutes ses forces à l’article qui apporte une limite à ce droit fondamental.
Certains analystes expriment des craintes de voir, cela dit, la tension sociale s’exacerber davantage avec le vote des articles qui ne font pas consensus. D’autant plus que le pays est sans cesse divisé. Cette tension est visible au sein de l’ANC avec des séances quelquefois houleuses. Une tension qui n’apporte pas grand-chose. Notamment en manière d’image. Car force est de constater que l’image de la République n’est pas aussi malheureusement reluisante que ça. Avec au niveau économique des pertes au niveau du capital-confiance avec la dégradation de la note souveraine.
Les promesses d’un “mieux-être“ n’ont pas été tenues
L’économie, voici un chapitre qui fait mal précisément à la République. La révolution du 14 janvier –on le sait- a éclaté pour rompre définitivement avec le déséquilibre régional, le chômage et le favoritisme. Or, force est de constater, aujourd’hui, que les promesses d’un mieux-être n’ont pas été tenues. Les régions de l’intérieur sont aussi sous-développées que par le passé et le chômage a fait encore des bonds en avant.
Venus célébrer le premier anniversaire de la révolution, à Sidi Bouzid, le président de la République et le président de l’ANC ont été accueillis par des jets de pierre. Un spectacle qui ne peut satisfaire quiconque respecte l’Etat et ses serviteurs. Cette image souffre beaucoup de nombreux actes de violence qui ont visé l’Etat et ses symboles. Les étals anarchiques dans nos villes et les actions de contrebande qui font mal à des pans entiers de l’économie participent également énormément au prestige de l’Etat et de la République.
A l’heure où la Tunisie fête un événement qui constitue tout un symbole, celui de la souveraineté de l’Etat, s’il est, en résumé, des choses à préserver par tous les Tunisiens c’est bien celles du prestige de l’Etat et de la souveraineté de son peuple.