Turquie : l’économie montre des signes de fatigue

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èces de monnaie mis en circulation le 1er janvier 2009 en Turquie, pendant une présentation aux médias le 30 décembre 2008 à Ankara (Photo : Adem Altan)

[25/07/2013 12:45:59] Ankara (AFP) Présentée comme un modèle de santé parmi les pays émergents, l’économie turque subit le ralentissement international mais aussi l’impact des décisions monétaires aux Etats-Unis.

Mercredi, au lendemain d’une décision de la Banque centrale de relever un de ses taux directeurs afin d’endiguer la dépréciation de la livre turque, le ministre des Finances a indiqué que son pays pourrait réviser à la baisse ses objectifs de 4% de croissance pour 2013.

“Les décisions de la FED (la Banque centrale américaine) et la conjoncture internationale ont provoqué des risques pour une révision à la baisse”, a annoncé Mehmet Simsek, tout en assurant que son pays continuerait de pratiquer une discipline budgétaire stricte.

La confirmation à ce sujet sera prise dans les semaines à venir, a-t-il affirmé, déplorant la récession dans la zone euro, principal partenaire économique de la Turquie, à laquelle elle est très intégrée.

La Banque centrale turque a augmenté de 75 points de base sont taux d?intérêt à court terme, qui est passé de 6,50% à 7,25%. L?objectif est de stabiliser la livre turque, qui s’est dépréciée de 8,5% par rapport au dollar depuis le mois de mai.

Les autorités monétaires ont bien vendu 6,4 milliards de dollars pour faire remonter la monnaie nationale depuis début juin, mais ces interventions ont eu des effets très limités.

“Le ministre a annoncé ce dont tout le monde se doutait. C’est que la prévision de 4% (de croissance) pour cette année devient de plus en plus improbable”, a indiqué Muammer Kömürcüoglu, économiste à la banque ING.

Selon cet analyste, la banque centrale pourrait dans les mois à venir décider de relever de nouveau ses taux, éventuellement de plusieurs centaines de points de base, afin d’attirer les capitaux étrangers,essentiels pour la santé et la croissance de l’économie turque.

Dépréciation de la livre

L’avis est partagé par les analystes de la banque Barclays, qui estiment que la Banque centrale turque pourrait être amenée à remonter ses taux une nouvelle fois si la FED devait commencer à l’automne à retirer son soutien à l’économie américaine.

En injectant des dizaines de milliards de dollars chaque mois dans les circuits financiers, la FED a contribué à inonder les marchés émergents de liquidités. C’est ce retrait qui effraie aujourd’hui la Turquie, où la perspective d’un tarissement de ces capitaux étrangers, conjuguée aux récents troubles sociaux, a contribué à faire baisser la livre.

Les experts du cabinet de consultants Capital Economics estiment que la livre et les obligations turques libellées en dollars, les plus performantes dans la région émergente européenne au début de l’année, sont devenues les moins performantes.

“Nous estimons que les besoins de financement externe maintiendront sous pression la livre qui se dépréciera jusqu’à 2,05 TL (pour un dollar) d’ici la fin 2014”, souligne Capital Economics.

La livre turque qui a atteint un niveau record de 1,98 au début du mois, s’échangeait vendredi à 1,92, contre 1,80 en mai dernier.

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à Ankara (Photo : Adem Altan)

Le Premier ministre islamo-conservateur Recep Tayyip Erdogan avait privilégié jusqu’à présent une politique de taux d’intérêt bas pour ne pas ralentir la croissance à l’approche des élections municipales et présidentielles prévues en 2014.

Peu de ressources propres

Mais le gouvernement turc doit aussi désormais tenir compte de la hausse des prix, aggravée par la dépréciation de la livre dans un pays où la balance commerciale est déficitaire.

Après une grave crise financière en 2001, l’économie turque est entrée dans une période de forte croissance après l’arrivée en 2002 au pouvoir du Parti de la justice et du développement (AKP, issu de la mouvance islamiste), avec des pics de plus de 8% en 2010 et 2011.

Mais le boom turc, très envié par ses partenaires européens est retombé, avec une croissance à 2,2% en 2012 et une inflation qui a accéléré son rythme à 8% en glissement annuel en juin. Le gouvernement tablait sur une inflation de 5% en fin d’année.

Les observateurs soulignent aussi que l’économie turque est fragilisée par sa situation géographique dans une zone de bouleversements majeurs, qui secouent les pays voisins de la Turquie: Syrie, Irak, Iran et Egypte.

Et contrairement à d?autres pays émergents, comme l’Inde, la Chine ou le Brésil, la Turquie dispose de peu de ressources propres. Les investissements étrangers lui sont donc indispensables pour financer sa croissance.