Les marchands de vins et spiritueux à la conquête de l’Afrique

1f0a011d0096e359eb40b2470b8ca10a68daf2ca.jpg
Un verre et une bouteille de cognac

[29/07/2013 11:33:45] Paris (AFP) L’Afrique est le dernier marché à la mode pour les producteurs français de vins et spiritueux, qui commencent à y poser leurs jalons, portés par la hausse de la demande des classes montantes africaines.

“C’est un phénomène récent”, explique-t-on chez Rémy Cointreau, propriétaire du cognac best-seller Rémy Martin.

Les pays cibles sont clairement ceux où il y a des matières premières (pétrole, mines, diamant) à commencer par le Nigeria, premier producteur africain d’or noir.

Le rythme de croissance en Asie commence à s’essouffler, alors les fabricants “cherchent de nouveaux relais de croissance”, commente Sébastien Andrieux, chef du service vins et spiritueux chez Ubifrance, l’agence publique d’accompagnement des entreprises françaises à l’exportation.

“Le marché est parti des dirigeants, ça commence toujours par là. Puis il y a la bourgeoisie qui monte en Côte d’Ivoire, en Angola, au Nigeria, au Cameroun, au Gabon. Il y a aussi la diaspora libanaise installée en Afrique”, décrit Gérard Sibourd-Baudry, l’un des dirigeants de la vénérable cave parisienne Legrand Filles et Fils qui réalise 90% de son chiffre d’affaires en exportant de bonnes bouteilles françaises.

“Ils boivent beaucoup de champagne, des vins de soif (rosé, blanc) et aussi des grands crus”.

“Contrairement à l’Afrique du Sud, qui produit du vin, les Nigérians n’ont pas de culture vinicole. Ils recherchent donc des produits à forte notoriété comme le Bordeaux ou le Cognac”, complète Sébastien Andrieux.

Aux bars des grands hôtels

Le Nigeria est le pays au plus fort potentiel et le plus peuplé du continent (170 millions d’habitants). Selon le cabinet international Euromonitor, les ventes de spiritueux se sont élevées à 700 millions de dollars en 2012 et devraient doubler en cinq ans, pour atteindre 1,5 milliard en 2017.

Les ventes de champagne sont aussi en plein boom: en 2012, elles ont bondi de près de 30% à 876.000 bouteilles, selon le Comité interprofessionnel français du champagne (CIVC).

Un chiffre qui a récemment indigné le site nigérian The Will, dans un papier publié en Europe par Courrier International. “Le Nigeria est le deuxième pays au monde où la consommation de champagne augmente le plus rapidement, alors que 63% de la population vit avec moins de 1 dollar par jour”, écrit le journal.

Reste que face à cet engouement, les grands groupes se mettent en branle.

“L’Afrique était un des continents où nous étions sous-représentés. Nous avions juste une filiale en Afrique du Sud depuis 1993, nous avons décidé d’accroître notre présence”, indique-t-on à Pernod Ricard, propriétaire notamment du whisky Chivas et de la vodka Absolut.

Le numéro deux mondial des spiritueux a donc décidé d’ouvrir trois nouvelles filiales en 2012 en Angola, au Nigeria et au Kenya, après s’être récemment implanté en Namibie, Côte d’Ivoire, Gabon et Ghana.

Il a aussi signé en mai un accord pour sept ans avec le distributeur spécialiste de l’Afrique CFAO pour la distribution exclusive (hors enseignes internationales) de ses produits au Nigeria. Car les modes de distribution en Afrique sont complexes, avec multiplication de petites structures, même si les bouteilles se vendent avant tout dans les grands hôtels.

Et il n’exclut pas de signer des accords avec des brasseries pour asseoir sa présence, en plus de celui qu’il a noué au Cameroun avec Castel, propriétaire du caviste Nicolas et spécialiste de la bière et sodas en Afrique.

Il faut dire que son grand concurrent, Diageo, a pris une longueur d’avance, grâce à la bière. Il se vante même sur son site d’avoir vendu la première Guinness en Sierra Leone en 1827 ! Aujourd’hui, le numéro un du secteur assure être leader sur les spiritueux en Afrique avec des marques comme Johnnie Walker (whisky) ou Smirnoff (vodka).

L’Afrique est donc un nouvel objet de convoitise. Entre 2011 et 2012, les exportations françaises de vins et spiritueux y ont progressé de 10%. Le continent reste toutefois un micro-marché pour le secteur, ne représentant que 2% des exportations françaises, loin, très loin de l’Europe, l’Amérique du Nord et l’Asie, selon Ubifrance.