Accord Chine/UE sur le solaire : les fabricants européens mal lotis

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ès de Tianjin montre une installation de panneaux solaires (Photo : Ed Jones)

[29/07/2013 18:01:46] Paris (AFP) L’accord UE-Chine sur le photovoltaïque est décevant pour les fabricants européens de panneaux, mais il préserve les intérêts des deux camps les plus influents de cette escarmouche: les producteurs chinois et les installateurs du Vieux Continent, jugent des analystes.

Répondant aux premières critiques l’accusant d’avoir “cédé” aux Chinois, le commissaire européen au Commerce Karel De Gucht a assuré lundi qu’il s’agissait d’un “bon accord”.

Celui-ci va apporter un “ballon d’oxygène” aux industriels européens et “donnera le ton” pour d’autres contentieux, notamment celui du vin, a-t-il affirmé.

Mais pour les analystes interrogés par l’AFP, ces industriels sont bel et bien les perdants.

“Pour les fabricants européens, je pense que cet accord est mauvais; ils espéraient un prix plus élevé”, a observé Jenny Chase, analyste spécialisée dans le secteur solaire chez Bloomberg New Energy Finance (BNEF).

“Pour le fabricant chinois et l’installateur européen en revanche, c’est une bonne chose, parce que l’impact sur le prix est moins élevé que prévu”, a-t-elle résumé à l’AFP.

EU Pro Sun, le groupement de producteurs solaires à l’origine du litige commercial avec Pékin, a affiché sa fureur.

“Tout sauf un accord favorable”

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à Bruxelles (Photo : Georges Gobet)

“C’est tout sauf un accord favorable à l’industrie solaire européenne”, a réagi lundi son président Milan Nitzschke.

Samedi, le groupement (en grande partie allemand) avait annoncé son intention de traîner l’accord -“contraire en tout point au droit européen”- en justice.

Des panneaux le moins cher possible pour favoriser l’essor du photovoltaïque sur le Vieux Continent ou des barrières douanières pour protéger les fabricants et leurs emplois au risque de freiner le marché: tel était le dilemme simplifié des négociateurs européens.

“Or aujourd’hui en Europe, le gros du secteur est dans l’aval (distributeurs, installateurs, développeurs de parcs solaires ndr)”, note Mme Chase. “Cet accord (avec la Chine) suggère qu’ils ont privilégié ces intérêts-là”.

Berlin en a été l’illustration: de très loin premier producteur européen de panneaux, l’Allemagne a aussi besoin de photovoltaïque bon marché pour réussir son “Energiewende” (virage énergétique).

Sous la menace de représailles commerciales, la chancelière Angela Merkel était ainsi la plus grande avocate d’un accord amiable avec Pékin.

Le député européen français Yannick Jadot a accusé la Commission lundi de “sacrifier l’industrie photovoltaïque européenne aux intérêts chinois et à la diplomatie +Mercedes+ de Merkel”.

En vertu des détails confirmés lundi par M. De Gucht, l’accord prévoit un prix plancher de 0,56 euro par watt pour les panneaux chinois importés dans l’Union européenne.

Ce surcoût est limité par rapport à la taxe de 47% envisagée initialement: en janvier, le prix moyen du panneau chinois importé dans l’UE était tombé à un plus bas historique de 0,49 euro selon Bloomberg, remontant même légèrement ces derniers mois.

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Oder, en Allemagne (Photo : Patrick Pleul)

L’Afase, un groupement d’entreprises solaires pro-chinois, évoque lui un surcoût dépassant les 20%.

L’accord institue aussi un plafond de 7 gigawatts pour la quantité maximale d’importations de panneaux chinois.

Mais, s’il dépassait 20 GW en 2011, le marché photovoltaïque européen cette année devrait tomber entre 8 et 11 GW, et probablement moins en 2014, sous l’effet de la récession et des économies budgétaires.

Bruxelles a ainsi reconnu que ces 7 GW représentaient environ “70%” du marché du Vieux Continent.

“L’importance de l’Europe dans le marché mondial décline, et les fabricants chinois de panneaux ont préparé cela depuis un bout de temps”, souligne par ailleurs Stefan de Haan, expert du photovoltaïque au cabinet IHS.

Quant aux producteurs européens, “ils ne sont pas compétitifs sur les gammes à bas prix”. “La part de marché chinois baissera un peu”, selon lui, mais davantage au profit de fabricants sud-coréens ou taïwanais.

Ces rivaux asiatiques sont d’ailleurs les autres perdants, selon Jenny Chase, car ils pouvaient espérer des conditions bien plus défavorables à la Chine.

Le projet d’accord avec Pékin doit être endossé par la Commission le 2 août, les Etats membres devant se prononcer à la fin de l’année.