Tout Tunisien imbu d’un minimum de bon sens est convaincu que si les nahdhaouis étaient parvenus à achever la Constitution du pays, le 23 octobre 2012, conformément à l’engagement moral pris et signé, en 2011, par tous les acteurs politiques de l’époque, y compris Ennahdha, la Tunisie ne serait pas là et aurait connu un meilleur sort en faisant l’économie de l’assassinat de deux leaders politiques, en l’occurrence, Chokri Belaid , secrétaire général du parti des Patriotes démocrates unifié, et Mohamed Brahmi, coordinateur général du Mouvement populaire, figures de proue de l’opposition laïque de gauche en Tunisie.
C’est pour cette raison que tous les tunisiens font assumer au parti Ennahdha et à ses alliés, Ettakatol et le Congrès pour la République (CPR), l’entière responsabilité de tous les malheurs qu’a connus la Tunisie depuis le ratage de cette date (23 octobre 2012).
Est-il besoin de rappeler que parmi ces malheurs figurent, certes, ces deux assassinats politiques -ce qui est déjà catastrophique-, les agressions régulières perpétrées par les Ligues de protection de la révolution (bras musclé d’Ennahdha), la découverte d’entrepôts d’armes dans le pays (de véritables arsenaux de guerre) et d’essaims de terroristes dans les montagnes de Chaambi, de Bouchebka et d’autres du nord-ouest.
Pis, les familles des défunts Chokri Belaid et Mohamed Brahmi en sont tellement convaincues qu’elles ont décidé de ne pas recevoir les condoléances de la Troïka. Le geste est symbolique mais il en dit long sur l’aversion pour les locataires des palais de Carthage (présidence), de La Kasbah et du Bardo (parlement).
Lui-même menacé de mort, Hamma Hammami, porte-parole du Front populaire dont les partis des deux martyrs sont des composantes, va plus loin que cette répulsion et qualifie ces assassinats de «crimes d’Etat par excellence», impliquant ainsi sans ambages les partis au pouvoir.
Un gouvernement de salut national sans la Troïka…
Il pense que ces crimes ont été, en plus, accomplis dans des climats politiques tendus, boostés et attisés par des appels aux meurtres et de déclarations incendiaires de la part de responsables d’Ennahdha et dérivés.
Moralité : les appels aux meurtres lancés en public, entre autres, par Sahbi Atig, président du groupe parlementaire d’Ennahdha à l’ANC, et par les imams des mosquées salafistes djihadistes étaient, selon Hamma Hammami, de véritables messages codés pour que les assassins mercenaires passent à l’exécution.
Il estime que, pour toutes ces raisons, le pays a besoin plus que jamais d’une nouvelle direction de la période de transition (gouvernement de salut national), une direction à laquelle la Troïka doit en être exclue pour une raison très simple. Elle ne peut pas être à la fois le problème (usurpation de la légitimité du peuple) et la solution (le salut).
Dialogue inutile avec la Troïka…
La thèse de Hamma Hammami est partagée par Mansour Moalla, ancien ministre de Bourguiba. Il a soutenu, à son tour, dans une déclaration à Radio Express Fm, qu’il est très difficile, aujourd’hui (après le 25 juillet), pour la Troïka de participer à ce gouvernement d’unité nationale. Ses responsables auraient dû, à ses yeux, avoir le courage de présenter, avant le 25 juillet, des excuses au peuple tunisien pour les erreurs qu’ils avaient commises à son endroit.
Et pour ne rien oublier, Hamma Hammami a fait observer que dans l’intérêt supérieur de la nation, il est «inutile» de «perdre du temps» en essayant d’engager un nouveau dialogue avec la Troïka qui a prouvé, à maintes reprises, son incapacité d’honorer ses engagements: élaboration d’une Constitution en une année, dissolution des Ligues de protection de la révolution, fixation d’un agenda pour les prochaines élections…
Ennahdha accuse…
Quant aux nahdhaouis et leurs alliés, ils donnent l’impression qu’ils évoluent en terrain conquis ou bien sur une autre planète. Au regard de leurs prestations sur les plateaux de télévision, ils campent sur leurs positions et sont déterminés à aller jusqu’au bout et à achever la période de transition «dans l’intérêt supérieur du pays» selon les termes de Mohamed Ben Salem, ministre de l’Agriculture.
La trouvaille des responsables nahdhaouis a été d’imputer la responsabilité des assassinats politiques en Tunisie, entre autres, à des puissances régionales hostiles, dès le commencement, aux révolutions du printemps arabe (allusion à l’Arabie Saoudite et à certains émirats du golfe).
Néanmoins, si cette affaire de complot extérieur s’applique à l’assassinat de Mohamed Brahmi (impact du scénario égyptien et appartenance nationaliste nassérienne du défunt), elle est loin de s’appliquer au meurtre de Chokri Belaid lequel a eu lieu, à une période où aucun changement politique régional majeur n’était signalé à l’époque.
A bon entendeur…