Dans son discours partisan, hier soir, à l’adresse du peuple, le chef du gouvernement nahdhaoui, Ali Larayedh, a refusé net de jeter l’éponge et de reconnaître son entière responsabilité dans la situation délétère qui prévaut actuellement dans le pays (violence politique, terrorisme, crise multiforme…). Déterminé à se maintenir à son poste, il a brandi, dans le cas extrême, la carte de recourir à l’arbitrage du peuple et d’organiser, à cette fin, un référendum quant à la dissolution ou non de son gouvernement.
A y regarder de près, cette proposition de consulter le peuple comporte un élément révélateur sur la stratégie mise en place par le parti Ennahdha pour se maintenir au pouvoir. Et pour cause. Ali Larayedh, qui a prouvé dans ce discours qu’il est plus un chef de parti qu’un Premier ministre de tous les Tunisiens (menace de faire descendre ses troupes dans la rue), n’aurait jamais pensé au référendum que parce qu’il était sûr du résultat en sa faveur.
Comment? Il a mis à profit son passage au ministère de l’Intérieur pour mettre main basse sur toute l’administration tunisienne. La plupart des gouverneurs, délégués, maires provisoires et omdas sont des nahdhouis. Conséquence: si jamais «Ali Hitler» -comme le surnomme l’ancien secrétaire d’Etat dans le gouvernement de Hamadi Jebali-, Abdouli Touhami, s’engage dans l’aventure du référendum, il a toutes les chances de remporter la victoire au regard de la forte logistique dont il va bénéficier au triple plan local, régional et central.
En accédant au poste de chef du gouvernement, il a renforcé ses troupes par la nomination de nouveaux PDG à la tête des plus importantes entreprises publiques (STEG, Groupe chimique, STAM…). L’objectif est de noyauter toute l’administration à des fins électoralistes.
C’est dans cette perspective qu’il faut comprendre l’acharnement d’Ali Larayedh à se maintenir au pouvoir. Il ne veut pas le perdre. Il a beaucoup investi et entend récolter les fruits pour un autre mandat nahdhaoui. Tout est programmé pour atteindre cet ultime objectif.
C’est dans cette perspective qu’il importe de saisir la détermination de l’opposition à faire tomber, à n’importe quel prix, ce gouvernement. La raison est simple. L’opposition estime qu’elle n’a aucune chance de remporter les prochaines élections avec un gouvernement partisan qui a en plus utilisé l’argent de l’Etat pour mettre en place un réseau de fonctionnaires acquis à sa cause, et partant, au parti Ennahdha. Elle est profondément convaincue que les prochaines élections seront falsifiées.
C’est pourquoi, les observateurs de la chose publique tunisienne pensent que l’opposition, voire le front élargi de salut public, peut à la limite abandonner en ultime phase sa revendication maximaliste quant à la dissolution de l’Assemblée nationale constituante (ANC), mais elle ne lâchera jamais sa réclamation de la dissolution du gouvernement. Il y va simplement de sa survie.
Persuadés à leur tour du changement du rapport des forces et de la détermination de l’opposition à aller de l’avant et à faire aboutir leurs revendications, les nahdhaouis, qui ont tenu moult réunions pour trouver une issue à l’impasse dans laquelle ils s’étaient mis, ont perçu dans le référendum une ultime voie pour en sortir.
L’objectif est de court-circuiter la stratégie de déstabilisation de l’opposition et de se forger, avant les élections, avec l’aide de la logistique administrative dont ils disposent, une nouvelle légitimité qui leur garantirait de les remporter légalement sans contestation aucune.
La manœuvre des nahdhaouis est ainsi claire. Celle de l’opposition est également aussi claire. Le bras de fer va hélas continuer…;