Tunisie – Sit-in : Ennahdha se retire du Bardo, nouveau stratagème ou «patriotisme»?

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«Nous ne voulons pas que nos forces sécuritaires s’occupent de protéger les manifestants et les sit-in au lieu de s’investir dans la lutte contre le terrorisme», a déclaré Ali Larayedh, chef du gouvernement lors de sa conférence de presse de samedi 4 juillet. En clair, le message était: «Rentrez chez vous, plus de manifestations, pour que nous puissions vous protéger du terrorisme et de la criminalité. Choisissez entre manifestations et bombes». Des menaces à peine voilées et comme par hasard, notre chef du gouvernement a été très conciliant avec les médias.

Quant à sa posture politique, eh bien, et d’après nombre de participants aux réunions avec le gouvernement, qu’il s’agisse de partis politiques ou de partenaires sociaux, le chef du gouvernement et, derrière lui, son parti et ses alliés n’ont pas l’intention de reculer d’un pouce. Pas de concessions donc, nous y sommes, nous restons et vous ne pourrez nous déloger de nos postes que si élections il y a, ce qui n’est pas évident du tout dans le contexte actuel du pays…

Dans l’attente, les véhicules du ministère du Transport sont utilisés pour transporter les sympathisants nahdhaouis et les équipements du secrétariat de l’Etat à la Technologie sont mis au service des chaînes nahdhaouies «Al Moutawassit» et «Al Zitouna». Mosaïque FM rapporte que le député Samir Taieb compte intenter une action en justice à l’encontre d’Abdelkrim El Harouni pour dilapidation de deniers publics suite à la mise à la disposition des bus de la Société nationale de transport interurbain à la disposition du mouvement Ennahdha pour assurer le transport de ses partisans à La Kasbah samedi 3 août.

Ennahdha lance la comédie de l’intérêt public après avoir divisé la Tunisie en 2

Après sa démonstration du 3 août, le parti Ennahdha a appelé ses partisans à se retirer du Bardo. Selon un témoin présent sur place, la scène installée côté pro-légitimité a été démontée. Le portrait géant de Morsi décroché. Le sit-in a été levé. L’organisateur du sit-in dénommé Abdelhamid Troudi a expliqué sur express FM que «cette décision est motivée par une volonté de préserver l’intégrité du pays et la sécurité des citoyens en particulier». Les sit-inneurs pro-légitimité ont donc invité les sit-inneurs qui appellent «au départ» du gouvernement à accepter le dialogue afin d’éviter au pays de sombrer dans le chaos.

Ennahdha lance aujourd’hui la comédie de l’intérêt public après avoir divisé la Tunisie en deux, celle des mécréants et celle des croyants. La présence des imams de la Zeitouna, dimanche 4 et les louanges à Dieu criées haut et fort hier sur la tribune des sit-inneurs appelant au départ du gouvernement a montré que nous sommes tous des Tunisiens et que la problématique fondamentale du pays n’a rien à voir avec la religion mais se poserait plutôt au niveau de ceux qui font commerce de la religion, lui enlevant sa sacralité et sa noblesse.

Du coup, ceux qui ont fait des mosquées des champs de guerre devant un laxisme révoltant de la part du ministère des Affaires religieuses, censé protéger les lieux de culte de tous les discours politiques, sont devenus les gardiens de la paix en Tunisie. Alors que le ministère, qui devait veiller à ce que les mosquées véhiculent des prêches sur l’amour de l’autre et l’unité nationale, s’est métamorphosé en protecteur des propos de prêcheurs vindicatifs, intolérants, divisant le peuple tunisien entre croyants et mécréants. Ce n’est pas étonnant lorsqu’on se rappelle que le ministre des Affaires religieuses aujourd’hui était l’imam de la mosquée El Fath, symbole du fanatisme et de l’extrémisme. «Wal Chay3ou min ma3tahou la yostaghrabou».

En fait, la décision de lever le sit-in serait-elle à cause du fait que les partisans de la légitimité étaient très peu nombreux, dimanche 4 août, en comparaison avec les nuits précédentes? Fatigués ou non payés? Quel malheur lorsque le patriotisme s’achète et se vend par des billets de 10, 20 et 50 dinars! Et comment peut-on prétendre avoir une morale lorsque l’on achète la pauvreté, la précarité d’une classe populaire dans le besoin pour en faire des mercenaires?

Cet appel à lever le sit-in serait-il un signe de bonne volonté ou un stratagème pour endormir le peuple? «Regardez, nous sommes les plus patriotes, nous respectons les résidents au Bardo et nous voulons préserver les forces de l’ordre». Il y a de quoi lorsque l’on sait qu’Ennahdha et les enfants de Ghannouchi ont fait de la Tunisie, par leur bienveillance intéressée, une plateforme idéale pour les terroristes d’Al-Qaïda. D’après des sources américaines, 500 membres de cette organisation dangereuse séviraient en Tunisie, ce qui laisse présager d’autres bombes et d’autres attentats.

L’économie en situation de détresse

Ceux qui se sont insurgés contre les passe-droits et l’allégeance des hauts commis de l’Etat pour les partis au pouvoir en sont pour leurs frais et comme par hasard, les réalisations socio-économiques du gouvernement ne sont pas les meilleures qui soient. Au bout de 18 mois d’exercice, nous assistons à une Constitution piégée, un pays surendetté (52%), au gel des prêts censés oxygéner les caisses de l’Etat à cause de l’absence de visibilité, l’instabilité et l’insécurité.

Pire, les investissements sont en arrêt, l’économie parallèle a grimpé à hauteur de 60% d’après les experts économiques, la notation souveraine négative de la Tunisie ne permet plus au pays de contracter des prêts sur le marché financier.

Le tourisme secoué par les attentats terroristes n’existe plus, les entreprises dépendantes des marchés extérieurs font faillite, les autres partent ailleurs. Il y aurait même risque pour que le prêt du FMI remboursable sur 5 ans et dont une première partie a d’ores et déjà été déboursée à la Tunisie avec des conditions difficiles soit gelé. Sans oublier la division du pays entre musulmans et non musulmans, citadins et originaires de l’intérieur du pays.

Pire que tout dans ce bilan, les bombes artisanales, les mines antipersonnelles et un nombre effarant d’attentats terroristes en si peu de temps, des veuves, des orphelins et des martyrs dans un pays “sécuritairement stable”, la fragilisation des institutions et leur infiltration par les fidèles au parti, l’attaque de nos soldats et nos policiers. Et … pour terminer, Adel Dridi et ses réseaux de blanchiment d’argent à la Madoff.

Nous aurions tout vu, de la peste au choléra en passant par le paludisme, mais qu’un ministre de l’Intérieur, devenu aujourd’hui chef du gouvernement, explique des mouvements suspects détectés au Jebel Chambi par des exercices sportifs, ça, c’est le comble de l’absurde!