Le Quai d’Orsay recourt aux services de grands chefs cuisiniers dans ses ambassades. Quoi de plus naturel que le pays de Rabelais bascule vers la diplomatie des saveurs. Appeler la gastronomie “symbole de l’art de vivre“ au service du lustre du pays est, pour le moins, une recette raffinée.
L’affaire mérite que l’on s’y arrête. L’ambassade de France en Tunisie s’est vue affecter son Chef cuisinier, Carlos Marsal. Il semble que ce soit devenu la règle au Quai d’Orsay de veiller aux fourneaux de ses représentations, à l’étranger. Il est vrai que c’est une fort belle façon de pimenter le décor que de se soucier de mettre les petits plats dans les grands. Il faut bien reconnaître que pousser la diplomatie à faire bonne table avec la gastronomie est une option de bon goût.
A la belle étoile
C’est tout de même une mission goûteuse d’être l’ambassadeur de l’art culinaire français. A sa table, trait d’hospitalité, le dépaysement est garanti. Chacune de ses recettes est une exploration. Il y a quelques années que Carlos MARSAL a troqué l’uniforme de corps d’armée, pour coiffer la “Toque“ et qui sait, les étoiles, un jour. L’homme s’est découvert une vocation de Chef. Il a fait revenir l’idée, longtemps et enfin il a cédé à l’appel des fourneaux.
Disciple de Paul Bocuse, Carlos prend Michelin, pour guide, et, à petit feu, se met à rêver à la belle étoile. Charmeur de papilles, chacune de ses recettes est un exercice de séduction au grand bonheur de ses convives. Du simple cassoulet jusqu’au canard aux oranges, ses préparations sont des pures merveilles. Il sait qu’il marche sur les œufs. Il sait que dépareiller un menu peut friser l’incident diplomatique! Est-il tenu d’adapter le menu à la circonstance, pour mettre la cuisine avec la réalité diplomatique. Doit-il servir la crème brûlée en temps de crise, la soupe maigre en période de conjoncture économique serrée et le foie gras ou les cuisses de grenouille, pour les moments fastes? Autant la musique adoucit les mœurs autant les bons plats aident les convives à passer à table et à pencher pour la confidence.
Tirer les marrons du feu sans se brûler les doigts, voilà un peu le secret du métier et on ne vous raconte pas de salades. En gastronomie, les soucis sont réels, car le chef est tenu d’une obligation de résultats! Flamber le palais du convive, c’est l’enfance de l’art pour de la mise en bouche. Carlos sait mieux que quiconque que l’on vit pour se régaler.
En cuisine, reconnaît Chef Carlos, on va au charbon et on a les quatre fers au feu et ça semble dingue, mais à trop s’attarder en cuisine, on peut devenir “Toqué“, parole de chef. Et ça se corse à l’âge de la mal bouffe. Il faut y aller du dos de la cuillère pour ceux qui ont un bon coup de fourchette, car ces amateurs de la bonne chair ont l’appétit rabelaisien. Tout l’art du Chef consiste à leur faire venir l’eau à la bouche. On en dévorerait du maître. Cuisinier, ça vous fait travailler du Chef!
Assortir le banquet des civilisations
Comment se sent Carlos au pays de «sanafa»? Il est friand de découvertes. Il se lance, tenez-vous bien, dans un exercice de fouille culinaire. Leur plat de résistance est le ‘’barkoukèche’’, le couscous d’antan, une splendeur berbère, dont ils veulent reconstituer les origines. Ils sont partis élucider la question à Gafsa, pôle gastronomique millénaire. Carlos Marsal soutient qu’on peut garnir un joli banquet pour les civilisations passées à partir du rapprochement culinaire. On pourra faire de la gastronomie comparée, pense-t-il. Voilà bien une manière appétissante d’inviter l’histoire à table pour apprendre davantage sur l’ingéniosité des hommes ainsi que leurs pulsions gourmandes. Carlos ne s’en rassasie, pour ainsi dire, jamais, lui qui considère que l’héritage des secrets culinaires est de nature à rapprocher les civilisations. Et, c’est inscrit à son menu quotidien, à côté d’autres activités caritatives au sein d’associations de bénévolats qu’il assiste en toute discrétion, sans en faire un plat. .