éricains et des bolivars vénézuéliens, à Caracas, le 16 juillet 2013 (Photo : Juan Barreto) |
[10/08/2013 06:34:36] Caracas (AFP) Dans un marché de Caracas, Juan compte une liasse de billets chiffonnés pour régler une douzaine d’oeufs et de la farine de maïs. “Merde! C’est de la folie!”, s’énerve-t-il, las de devoir composer avec une inflation record qui culmine à 29% depuis le début de l’année.
Et dans les files d’attente, nombreux sont ceux qui perdent leur sens de l’humour. “C’est horrible! Comment un pays pétrolier peut-il tant dépendre des importations? On ne produit rien ici”, s’énerve encore un septuagénaire, artiste peintre du quartier de Guarataro, dans l’ouest de la capitale.
Sa frustration, dit-il à l’AFP, “ne vient pas de nulle part”. Le Venezuela accuse en effet un taux d’inflation record en Amérique latine, aggravé par des pénuries fréquentes de produits de base. Le papier toilette, le dentifrice, le savon, les couches et les serviettes hygiéniques figurent en tête des articles les plus recherchés par les Vénézuéliens.
Disposant des premières réserves de pétrole au monde, le pays importe la quasi totalité de ce qu’il consomme. Mais les dollars manquent, principalement en raison d’un contrôle rigoureux des changes instauré par les autorités il y a une décennie pour limiter la fuite de capitaux.
Ce contexte, conjugué aux strictes contraintes imposées aux importateurs, place les Vénézuéliens face à de graves problèmes d’approvisionnement. L’indice des pénuries a été évalué à 19,4%, par la Banque centrale, alors que l’inflation avoisine les 20% depuis plusieurs années.
“On doit faire des miracles”
Devant un étal de fruits et légumes, Marina Lopez, 50 ans, résume la situation: “Tout est très cher. On doit faire des miracles. Les salaires ont pris l’escalier pendant que les prix prennent l’ascenseur. Si on continue comme ça, je vais devoir semer sur le toit de l’immeuble pour pouvoir manger”.
“L’inflation nous a fait beaucoup de mal. Je dépense le double, ou plus, par rapport à février. On ne peut plus faire d’écart”, abonde Carolina Pacheco, ménagère de 35 ans.
Le gouvernement de Nicolas Maduro, qui tente de maintenir à flots le salaire minimum – de nouveau revu à la hausse de environ 390 à 430 dollars en septembre -, attribue ce le double fléau inflation/pénuries aux spéculateurs qui selon lui stockent pour faire flamber les prix. Mais la dévaluation de plus de 30% du bolivar décidée en février (de 4,3 à 6,3 pour un dollar, ndlr) pour permettre de réduire le déficit fiscal du pays n’a pas aidé à juguler la fièvre inflationniste.
à un distributeur à Caracas, le 6 août 2013 (Photo : Juan Barreto) |
Plusieurs économistes locaux, tels Asdrubal Oliveros de l’institut Econoanalitica, invoquent pèle-mêle la faible production nationale, les expropriations menées par les autorités, le double taux de change (le dollar au marché noir atteint jusqu’à cinq fois le change officiel) et la pénurie de devises.
Des marchés subventionnés pour tenir
Pour amortir le coup porté aux portefeuilles des Vénézuéliens, les gouvernements de Hugo Chavez (1999-2013) et de son héritier politique Nicolas Maduro, élu en avril, ont imposé un contrôle des tarifs des denrées de base telles que le riz, la viande, le lait, le poulet, le sucre, le café et l’indispensable farine de maïs nécessaire à la préparation des “arepas”, pain garni constituant le plat traditionnel local.
Ont également été créés les Mercal: marchés à prix subventionnés par la manne pétrolière qui permettent à de nombreux Vénézuéliens de joindre les deux bouts.
“C’est moins cher ici”, explique Justo Buenaver, un gardien de 58 ans qui vient de faire ses emplettes dans un Mercal du centre de Caracas. “Ailleurs je paie la douzaine d’oeufs 35 bolivars (5,5 dollars au change officiel) alors qu’ici je paie 28 (4,4 dollars) ou moins”.
A côté, Gabriela de Goitia, 73 ans, regrette de n’y avoir pu trouver du poulet ni du sucre. “La vie est difficile”, souffle-t-elle.