Mobilisation encore le 13 août 2013 pour les acquis de la femme. Mais dans un nouveau contexte. Celui du sit-in «Errahil» du Bardo. Initiée par «Hrayer Tounes», la mobilisation se réfère aux «évènements douloureux que traverse notre pays dont principalement la violence ayant engendré des assassinats politiques et des liquidations de nos soldats patriotes». Analyse.
Comme chaque année, le 13 Août 2013 est un grand moment de mobilisation pour les droits de la femme. Cette année, le collectif «Hrayer Tounes», sit-in d’Errahil oblige, entend donner de la voix pour défendre les droits des femmes. Il appelle à une manifestation à 18 heures «depuis la Place de Bab Saadoun vers la Place du Bardo». Et évoque, dans un communiqué rédigé à cette occasion, les évènements douloureux que traverse notre pays dont principalement les assassinats de deux leaders politiques de gauche et les liquidations de nos soldats patriotes.
C’est dire que l’on ne peut éloigner de nos jours le contexte particulier que vit la Tunisie, celui de la crise entre la Troïka et une grande partie de l’opposition, et qui perdure depuis près d’une dizaine de jours. Depuis le martyr du député Mohamed Brahmi, le 25 juillet 2013. Un événement douloureux, mais qui a révélé au public une femme, digne et forte comme un roc qui a résisté au malheur qui l’a frappée: Mbarka Brahmi. Comme avant elle, Basma Belaïd, épouse d’un autre martyr, tout aussi lâchement assassiné, le 6 février 2013, par des jusqu’au-boutistes religieux, Chokri Belaïd.
Six mois séparent ces deux crimes. Six mois au cours desquels des incidents ont été là pour nous rappeler que les droits des femmes sont en danger.
Des épisodes significatifs
Trois semblent déterminants. Le 10 mars 2013, Nourreddine Khadmi, ministre des Affaires religieuses, opère une attaque en trombe de la décision, prise en août 2011, du gouvernement conduit par Béji Caïd Essebsi, l’ancien Premier ministre de la deuxième période de transition démocratique en Tunisie, entre mars et octobre 2011, de lever des réserves émises sur la CEDAW, la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Il condamne cette décision qu’il trouve «porter une atteinte flagrante à la souveraineté nationale, à la spécifié culturelle et aux valeurs de l’islam», et estime qu’elle est «individuelle et précipitée».
Toujours, en mars 2013, un des faucons d’Ennahda, Habib Ellouze, affirme, dans une interview donnée au quotidien Le Maghreb, que «dans les régions d’Afrique, les gens sont contraints d’exciser les filles à titre de thérapie, car les clitoris sont trop grands et gênent l’époux».
Et en avril 2013, une femme d’affaires tunisienne, Sanaa Ghenima, est approchée à l’aéroport international de Tunis-Carthage, par un agent de la police des frontières, qui lui demande si elle a obtenu l’accord de son mari pour voyager (sic). La direction des frontières s’excusera et le policier sera sanctionné. Mais, c’était trop tard!
Un Etat théocratique
Des épisodes qui montrent bien que le “loup réactionnaire“ est bien dans la bergerie. Car, quoi qu’en disent souvent les théocrates, l’opinion qu’ils ont de la femme ne peut changer. Elle est dictée par une lecture wahhabite des textes qui fait de la femme un personnage de seconde zone. Qui n’a même pas le droit de conduire une automobile.
Il y a un an, les femmes sortaient dans la rue pour dire tout le mal qu’elles pensent de velléités d’introduire la «complémentarité» entre homme et femme en lieu et place de l’«égalité» dans la Constitution. Un égarement sémantique qui cache une vision rétrograde du modèle sociétal consacrant une division des tâches: l’homme dehors pour se consacrer au labeur et à la subsistance de la famille; la femme au foyer pour préparer à manger, faire le ménage, procréer.
Et une fois cette vision acceptée, les «avancées» peuvent continuer à se frayer le chemin. Tous les secteurs de la vie peuvent connaître les «réformes» nécessaires à une mutation vers un Etat théocratique. A commencer par celui de l’éducation. Dans lequel on essaye d’imposer le fait accompli. Avec notamment ces écoles coraniques où l’on sépare filles et garçons et dans lesquelles officient des «enseignantes» en niqab, le voile intégral. En mars 2013, et au plus fort du scandale concernant la violation d’une fille de trois ans à La Marsa, on évoquait que près de 2.000 jardins d’enfants (près de 40%) seraient en situation irrégulière.
Aujourd’hui encore, et plus de deux ans après l’éclatement de la révolution du 14 janvier 2011, on reconnaît que malgré les efforts accomplis, une centaine de mosquées échappent au contrôle du ministre des Affaires religieuses. Des mosquées dont les prêches continuent à défendre une lecture qui assigne à la femme un statut avalisant.
Un statut qui n’est pas celui, qu’aux heures glorieuses de l’islam en Tunisie, la femme tunisienne a toujours réussi à acquérir. Celui de Khadija, fille de l’Imam Sahnoun, de Fatma El Fehrya et d’Om Millel.
Il est bon en ce 13 Août 2013 de le rappeler aux adversaires de la modernité.