Au lendemain du 14 Janvier 2011, elles sont nombreuses à se mobiliser pour faire entendre leurs voix et à vouloir s’engager dans la vie politique. La loi sur la parité pour les élections du 23 Octobre en propulse bien quelques unes en haut des affiches politiques, mais la plupart des femmes choisissent la société civile et se déploient sur le terrain de la lutte contre la pauvreté, le chômage, l’éveil citoyen…
Aux côtés des incontournables comme l’avocate Radhia Nasraoui ou la politique Maya Jeribi, il y a surtout une nouvelle génération féminine qui se déploie au sein de la société civile qui émerge en Tunisie. Elles composent l’avenir du leadership féminin.
Qu’en est-il du côté politique? Quel est le bilan de celles qui ont été élues députées à l’ANC et celles ayant intégré le gouvernement? Si l’ANC a été un bon exercice pour certaines, elles n’en sortent pas toutes matures ni affirmées puisque beaucoup d’autres voix ont préféré se taire au lieu de s’y faire entendre.
Au quintet des femmes les plus en vue de l’ANC, il y a bien entendu la vice-présidente, Meherzia Laabidi. Au fil des mois, son exercice s’affûte et son style s’aiguise. Celle qui a su ne pas rester que la vice-présidente de la Constituante s’est déployée sur le terrain en prenant la parole durant le «meliyouniet» pro-gouvernement sur l’avenue Habib Bourguiba ou à la Kasbah. Ses échanges, souvent tendus, avec les élus de l’opposition, lui valent leurs foudres de guerre. Les coups qui lui sont assenés lui viennent aussi de son propre camp quand celui-ci réfute sa peu probable candidature à la présidence de la République pour le compte de son parti Ennahdha.
Toujours dans le camp des islamistes, on ne peut omettre la très rigolote Sonia Ben Toumia qui réussit à se faire remarquer et inviter sur les plateaux de télévision pour assurer le spectacle plus grâce à son sens de l’humour qu’à son sens politique. Une prestation qui entache l’image que tente de se forger les femmes politiciennes du pays.
Par opposition, Fatoum Attia se démarque. Elle est l’une des rares à s’élever au dessus des clivages politiques pour ne considérer que l’avenir de la Tunisie en déclarant, lors de sa dernière prestation face au sit-in du Bardo qui appelle à la dissolution de l’ANC et la démission du gouvernement au nom de la légitimité: «De quelle légitimité parlez-vous? Vous qui ne pensez qu’au parti et pas au pays».
Proche de Hamadi Jebali, elle-même a osé des excuses à ceux qui ont voté pour elle en avouant que le non respect de ses engagements ont fait d’elle une «menteuse». Depuis, elle désavouera Ennahdha à toutes les occasions qui lui sont données, tout en ne quittant pas ses rangs.
D’autre part, on retiendra aussi que les stars du temps des campagnes électorales se sont faites plus rares au fil des travaux de l’ANC. Est-ce de la déception mal cachée, un silence tactique ou le sens de discipline partisane?
A titre d’exemple, on entend parler de moins en moins Yamina Zoghlami qui, au lendemain des élections, s’est retrouvée à la tête de la Commission de protection des blessés de la révolution. Des rumeurs concernant la démission de Souad Abdrahman, que l’on entend aussi peu depuis quelques temps, sont récurrentes.
Ennahdha, parti qui a introduit le plus de femmes au sien de l’ANC, n’est visiblement pas parvenu à laisser ses élues, tenue par une main de fer par Sahbi Attig, s’exprimer et évoluer pour en faire de nouveaux visages du parti et lui faire franchir ainsi un saut qualitatif autant que générationnel. Peu d’entre elles sont d’ailleurs élues au sein du «Majliss Chourra» d’Ennahdha. Peu d’entre elles ont finalement pu et su devenir des femmes politiques.
Anc : Des femmes d’influence?
Au sein du Parti Ettakatol, c’est bien entendu la députée Lobna Jeribi qui retient l’attention après la démission en masse des autres femmes du parti dont Karima Souid, Selma Mabrouk, Nefissa Marzouk, Fatma Gharbi…
Elle est en fait l’une des rares à réussir le mieux à préserver et construire son image bien que sa photo avec les LPR, dont le très contesté Recobba avec un autre membre du parti politique, l’actuel ministre des Affaires sociales, Khalil Zaouia, a choqué autant que son accusation de tricheries par ses collègues sur un vote qu’elle n’aurait pas dû effectuer.
Fortement engagée sur l’Open Governance, Lobna Jeribi devient une des valeurs sûres d’Ettakatol. Appréciée par la majorité au sein de l’ANC, elle a failli intégrer le gouvernement et être secrétaire d’Etat aux Nouvelles technologies. Son nom a circulé aussi concernant le portefeuille du Tourisme. Une des 11 femmes élues au Bureau politique de son parti sur 41, Lobna Jeribi récolte 100 voix et coiffe tout le monde au poteau en passant devant Khayem Turki, Elyes Fakhfakh, Khalil Zaouia, Ridah Neji…
Il est indéniable que le passage par l’ANC, même s’il n’a véritablement réussi à produire de vrais chefs de files au féminin, reste une bonne école et un exercice qui a forgé le style et trace probablement l’avenir de certaines arrivées sur la scène politique au lendemain de la révolution et parfois des élections.
D’autre part, il ressort que les députées qui ont un passé avec la contestation et l’action politique ne s’en sortent pas particulièrement mieux.
Pour cela, un rapide clin d’œil au parcours de Maya Jeribi, secrétaire générale du parti Al Joumhoury au sein de la transition laisse pantois. Une des seules valeurs sûres féminines de la politique tunisienne reste flanquée à toutes ses apparitions de Ahmed Néjib Chebbi de qui elle n’a pu ni s’extirper ni se démarquer.
Du côté du CPR (Congrès pour la République), on retiendra Samia Abbou avant qu’elle ne quitte ce parti. La députée y a brillé par ses fracas, ses pleurs et même ses silences. Son image reste colée à celle de son mari; et l’association des couples et de la politique rebute une partie des Tunisiens. Cela leur fait penser à Ben Ali et Leila. Maya Jeribi et Ahmed Néjib Chebbi ont, à ce propos, payé une lourde facture de leur campagne les présentant côte à côte durant leur campagne électorale pour la Constituante.
Du côté de l’opposition au sein de l’ANC, on retient particulièrement la prestation des soldates du parti «El Massar» dont Selma Baccar et Nadia Chaabane. D’autant plus qu’elles sont rejointes par Karima Souid et Selma Mabrouk à qui l’on doit particulièrement l’alerte au sujet de la “complémentarité“ et non “l’égalité“ des femmes et qui a provoqué un véritable tollé l’été dernier.
Censée être le réceptacle de tous les espoirs, l’ANC a déçu et incontestablement les élues femmes ont déçu aussi sur l’ensemble du rendement. Cependant, et dans l’attente de la prochaine Constitution, elles ont veillé au grain. Les lois mettant en danger le droit des femmes et leur acquis ont fait l’objet de polémiques, de contestations, de critiques et de vifs soutiens de la société civile tunisienne.
Une société civile qui réussit à faire émerger de nouveaux visages comme celui de la dynamique Amira Yahyaoui de Marsad et la co-fondatrice du réseau «Doustourna», Dalila Msadek, etc.
Ceci est un tout débat. A moins qu’elles ne se décident à rentrer de plain-pied dans la politique.