Allemagne : la campagne électorale s’empare du chaos du rail

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Allemagne (Photo : DANIEL ROLAND)

[13/08/2013 11:56:09] Berlin (AFP) Campagne électorale allemande oblige, les vacances et arrêts maladie d’une poignée d’aiguilleurs provoquaient mardi, outre le chaos dans les chemins de fer, un affrontement politique sur l’avenir de la compagnie publique Deutsche Bahn.

“Bahn à pannes” pour le quotidien des milieux économiques Handelsblatt, “crise” pour le Frankfurter Rundschau: la presse allemande s’en donnait à coeur joie, avec photos de gares-fantômes et de quais déserts à l’appui, tandis que le candidat libéral (FDP) à la chancellerie, Rainer Brüderle, déplorait “une humiliation sur la scène internationale”.

Depuis la semaine dernière, la gare de Mayence (ouest), ville de 200.000 habitants et l’une des 16 capitales régionales allemandes, n’est quasiment plus desservie le soir et la nuit, et dans la journée, le trafic régional est considérablement réduit.

La moitié des 15 salariés du centre d’aiguillage local n’est pas en poste, pour cause de vacances et d’arrêts maladies. Et ces absences suffisent à désorganiser tout le trafic de la région, y compris celui des trains grande ligne ICE.

Deutsche Bahn, mastodonte qui transporte 5,4 millions de passagers par jour et emploie 190.000 personnes rien qu’en Allemagne, est très régulièrement sur la sellette, comme il y a quelques années à cause de problèmes à répétition sur le réseau de Berlin, ou de climatisation défectueuse dans certains trains l’été. Un tiers des Allemands sont mécontents de son service, selon un sondage récent.

Cette fois-ci, la dernière grande compagnie publique allemande a d’abord parlé d’un problème très localisé. Avant de devoir reconnaître lundi que la situation était “tendue” dans tout le pays, avec un manque patent de personnel d’aiguillage.

La privatisation en accusation

L’occasion rêvée pour les candidats à l’élection législative du 22 septembre, où Angela Merkel brigue un troisième mandat, de sauter dans le train en marche. Deutsche Bahn a “manifestement économisé à mauvais escient”, a estimé mardi le candidat social-démocrate à la chancellerie, Peer Steinbrück.

L’analyse est partagée par le syndicat des cheminots EVG, dont les responsables doivent rencontrer mercredi le patron de la compagnie, Rüdiger Grube, rentré de vacances en catastrophe.

Au début de la dernière décennie, Berlin avait décidé de mettre Deutsche Bahn en Bourse et confié à l’ex-patron Hartmut Mehdorn la mission de rendre l’entreprise attractive pour des investisseurs potentiels.

Entre 1999 et 2009 Deutsche Bahn a renoué avec les bénéfices et doublé son chiffre d’affaires, à coups de fermeture de lignes les moins rentables et d’expansion à marche forcée à l’international. Le projet d’une introduction en Bourse, maintes fois repoussé, a finalement été définitivement enterré en 2011.

Mais pour le Berliner Zeitung (centre-gauche), pas de doute, “le chaos de Mayence est l’une des conséquences de la politique d’austérité stricte imposé par Hartmut Mehdorn (PDG jusqu’en 2009) pour préparer le groupe à l’entrée en Bourse”.

Le responsable FDP Brüderle, qui espère reconduire sa coalition avec les conservateurs de Mme Merkel, fait le diagnostic exactement inverse. “Une société privée exposée à la concurrence ne pourrait pas se permettre” ce qui arrive en ce moment à Mayence, a-t-il déclaré mardi, estimant qu’il faudrait reprendre “au bon moment” la réflexion sur une introduction en Bourse.

Dans la plupart de ses activités l’ex-monopole est exposé à la concurrence. Mais la division la plus touchée par les difficultés actuelles, la filiale de réseaux DB Netz, n’est pas encore touchée par la libéralisation.

En début d’année, Berlin s’est catégoriquement opposé aux plans de Bruxelles de scinder les activités de transport et la gestion du réseau. Concession à l’Allemagne, le nouveau paquet de mesures de libéralisation du rail adopté fin janvier permet de conserver les structures de holding sur le mode de Deutsche Bahn.