Au commencement, deux alertes; la première a été le classement de la Tunisie à la 85ème place sur un total de 100 pays listés dans le rapport mondial 2013 de l’International Budget Partnership (IBP) sur la transparence budgétaire; la deuxième a été le fort taux de perception des Tunisiens de la corruption (80%) en 2013, taux rapporté par l’ONG Transparency International dans on rapport publié début juillet 2013.
Pis: ces rapports ont même désigné les responsables de cette non-transparence génératrice de corruption.
Il s’agit des partis politiques au pouvoir, de la police, des fonctionnaires de l’Etat, de la justice…
“En un mot, ce sont, selon ces rapports, les acteurs qui sont supposés gérer les pays et défendre la règle de droit qui sont considérés comme les plus corrompus. Ils sont perçus comme abusant de leur pouvoir et agissant d’abord en fonction de leurs propres intérêts et non pour les citoyens qu’ils sont censés représenter et servir”.
Confronté à ces revers en pleine période d’effervescence politique, et surtout à cette non-transparence internationalement reconnue, le ministère des Finances et son locataire Elyès Fakhfakh se sont employés à sauver la face et à dépoussiérer
deux mécanismes en usage dans le monde, depuis plus de dix ans, et adoptés par la Tunisie plus par jeu de mode que par souci d’efficience budgétaire.
Le premier mécanisme consiste en la gestion budgétaire par objectifs (GBO), appelée également la gestion par résultats (GPR), ou axée sur les résultats (GAR) et la performance. Il s’agit d’un mode de gestion qui mise simultanément sur la qualité des services aux citoyens, l’optimisation des ressources disponibles et
la conformité aux règles administratives. Cette gestion couvre uniquement les dépenses publiques en dehors de la fiscalité et des marchés publics.
Auparavant, le budget était réparti comme une rançon, par les soins des deux grands manitous du budget (ministère des Finances et Premier ministère), sur les départements ministériel. Il était contrôlé sur la base de la correspondance entre crédits alloués et dépenses effectuées sans aucune préoccupation de la
qualité des véritables objectifs atteints.
Contrairement à cette approche, la GBO privilégie l’allocation de crédits en faveur de projets clairs et bien définis et non en faveur des administrations.
En plus clair, le budget sectoriel n’est affecté que pour réaliser un objectif bien déterminé, durant un délai bien déterminé.
La GBO a été adoptée officiellement en Tunisie en 1995 –oui vous avez bien compris, c’est bien 1995- mais elle n’a été expérimentée qu’en juin 2012, ce qui en dit long sur le temps gaspillé par les mafieux qui se sont relayés aux postes de
décision.
A cette date, le Premier ministre de l’époque avait rendu publique une longue circulaire autorisant l’expérimentation de la GBO et non sa mise en œuvre effective. Il s’agit de la fameuse circulaire de performance des politiques publiques.
Dans un premier temps, il a été décidé de l’appliquer en 2013, uniquement au niveau central, dans quatre départements qui représentent 70% du budget du pays: éducation, agriculture, enseignement supérieur, affaires sociales et formation
professionnelle…
Dans une seconde étape, c’est-à-dire en 2014, la GBO sera élargie à cinq nouveaux départements: finances, transport, équipement, industrie et commerce.
Quant aux départements de souveraineté (des gouffres d’argent pour les finances publiques au regard des fonds occultes incontrôlables), aucune date n’a été fixée pour les soumettre à la GBO.
Le deuxième mécanisme n’est rien d’autre que le budget citoyen. Empressons-nous de signaler que ce budget, qui sera rendu public pour la première fois en Tunisie au mois d’octobre 2013, sera élaboré par le ministère des Finances à la faveur d’un financement de l’IBP (l’International Budget Partnership) et le concours de la commission de transparence financière et de
gouvernance ouverte groupant le ministère des Finances et les représentants de 6 associations de la société civile.
L’avantage de ce budget citoyen consiste en son ambition de simplifier la littérature rébarbative et hermétique, jusque-là, du budget tunisien pour le présenter dans un langage accessible à tous les citoyens.
De tout compte fait, il s’agit d’un objectif très limité aux relents
propagandistes certains en ce sens où le pouvoir en place cherche plus à épater ses maîtres -bailleurs de fonds et partenaires économiques- et à leur prouver qu’il est engagé, aux côtés des citoyens, dans un processus de transparence et d’efficience financière, alors que dans les faits il n’en est rien.
Est-il besoin de rappeler ici que la GBO et le budget citoyen ne peuvent créer de la valeur en Tunisie que lorsqu’ils seront appliqués au niveau des régions, des localités, des municipalités et mêmes des douars?
Effectivement, pour que ces mécanisme soient efficaces, il faut que chaque contribuable ait les moyens de savoir combien l’Etat a affecté de crédits pour la réalisation d’un tel ou tel projet dans sa région, localité, commune, quartier, agglomération, et qu’il puisse assurer lui-même voire superviser de visu l’exécution de ce projet.
N’oublions pas que les communautés de l’intérieur du pays ne s’étaient soulevées contre l’administration centrale qu’en raison de la corruption des autorités d’exécution régionales, locales et communales qui avait détourné, des décennies durant, des allocations budgétaires destinés à l’investissement public et au
développement, à des fins de propagande politique et d’assistance sociale anesthésiante.
Cela pour dire, in fine, que la GBO et le budget citoyen sont encore en Tunisie un simple jeu de mode.