La
dégradation de la note de la Tunisie avec des perspectives négatives constitue
un autre coup dur pour le pays. Cependant, elle n’est une surprise pour personne
sauf pour ceux dont c’est le métier de l’éviter.
L’actuelle équipe à la tête du pays autant que celle du gouvernement précédent
de Hamadi Jebali sont longtemps restées dans le déni de la dégradation qui
relègue le pays dans la catégorie des “emprunteurs spéculatifs“ et du marasme
qui plombe l’économie tunisienne.
Pire encore, ils se sont relayés, des mois durant -présidence de la République à
leur tête-, à accuser les agences de notation des pires maux partant de la
mauvaise influence, en passant par les accusations à jouer le jeu des
contre-révolutionnaires et niant bien entendu leur impact.
Le ministre des Finances de la Troïka au pouvoir, Elyes Fakhfakh, s’est enfin
décidé à avouer que l’instant est grave mais se retient bien de démissionner,
comme Houcine Dimassi, son prédécesseur, qui tirait les sonnettes d’alarme les
unes derrières les autres depuis mai 2012. Idem pour Ridha Saïdi, ministre
chargé des Dossiers économiques et sociaux auprès du chef du gouvernement, et
pour Ali Larayedh, chef du gouvernement, qui se targuait durant ses dernières
décélérations que tout allait bien dans le meilleur des mondes…
Dos au mur et face à la dernière dégradation, de deux crans «BB-» à «B», ils ont
encore du mal à avouer l’échec. Peu importe, les agences de notation ne leur
laissent guère le choix. Ils le font à leur place.
De fait, l’économie tunisienne plonge. Embourbée dans l’idéologie et la
démagogie qui l’accompagnent, elle n’a jamais été au centre des urgences des
dirigeants; et la facture ne se fait pas attendre.
Quand on ne fait pas les réformes qu’il faut et n’affronte pas avec pragmatisme
et efficacité les problèmes, ils finissent par vous revenir sur la gueule en
beaucoup plus lourd. Ils dévoilent non seulement l’amateurisme mais mettent à nu
un manque flagrant de visions et de solutions pour l’avenir.
La Tunisie est en manque de vrais leaders
Passé le cap de l’embarras, la Troïka au pouvoir et à sa tête le parti Ennahdha
tentent à peine de minimiser l’importance de cette dégradation du pays en
affirmant que les fondamentaux de l’économie tunisienne tiennent le coup. Ils
jouent leur va-tout; plomber ce qu’il en reste pour acculer l’ensemble du
leadership politico-économique du pays à assumer avec eux la facture de leur
échec. Faisant la politique de l’autruche, ils feignent de nier la gravité de la
situation et jouent leurs dernières cartes.
Car à l’arrivée, c’est l’actuel pouvoir et les futures élections avec ces
ballets de rapprochements et pressions tactiques et stratégiques qui se jouent.
En réalité, ils sont bien trop obtus et fiers pour décoder le seul vrai
important message de S&P. Pourtant, celui-ci est clair et sans équivoque. La
Tunisie est en manque de vrais leaders.
La Tunisie et ses leaders parlent-ils le même langage? Ont-ils la même
perception de la réalité et des urgences?
Pouvoir et opposition avancent sur une corde raide, celle d’un pays plombé par
un million de chômeurs, un tourisme qui se meurt, une paupérisation généralisée
et un Etat de pré-faillite inéluctable… A moins que l’on ne prenne les taureaux
par les cornes et mettent à contribution tout ce que ce pays a de compétences et
d’expérience pour dépasser le chaos.
Or, pour cela, il faut de la volonté, certes! Une réelle volonté politique mais
aussi un sens des responsabilités, une volonté de construction, un projet
sociétal, des valeurs communes…
Et c’est précisément là que se trouve le début d’une spirale infernale. Comment
bâtir ensemble une chose et son contraire? C’est tout l’enjeu de cette phase de
transition. Elle mènera vers la démocratie et la prospérité ou le chaos. Nous
n’en sommes plus aux bricolages, aux concepts creux, aux mots vides de sens.
L’instant ne cesse d’être historique. Il est vital pour 11 millions de
Tunisiens.