ées dans une agence de Naples (Photo : Anna Monaco) |
[23/08/2013 05:57:41] Rome (AFP) Plombée par un chômage record dépassant les 39,1% chez les jeunes actifs, l’Italie peine à faire concorder offre et demande sur le marché de l’emploi, alimentant de vifs débats.
“Les Italiens n’ont pas faim. Moi à 16 ans j’allais à l’usine en vélo et à 27 ans, j’étais responsable de 1.000 ouvriers”, a lancé Giovanni Pagotto, entrepreneur du nord de l’Italie dans une interview au Corriere del Veneto.
Il n’en fallait pas beaucoup plus pour déclencher une polémique, dans une Italie à fleur de peau, engluée dans la récession depuis près de deux ans et déprimée par un chômage en hausse, atteignant déjà 12% au niveau national.
Giovanni Pagotto, gérant d’Arredo Plast Spa, qui fournit des produits plastiques à la chaîne suédoise Ikea, emploie une main d’oeuvre à 90% immigrée car il dit manquer de candidatures “autochtones”.
Interrogé par l’AFP, il pense que les travailleurs italiens sont moins enclins à se plier aux contraintes horaires et à la pénibilité que les travailleurs étrangers recrutés à travers les agences d’intérim.
“Je ne crois pas une seconde à cette histoire”, s’insurge une jeune femme anonyme du Frioul (nord) sur le site du Corriere della Sera, assurant que “des milliers de jeunes au chômage envoient des CV sans recevoir de réponse”. “Quand j’ai perdu mon travail il y a quelques années, j’ai du bosser comme éboueuse, accrochée derrière les camions poubelles”, poursuit-elle indignée.
Pour certains jeunes blogueurs des sites du Fatto Quotidiano et Linkiesta, les cris d’alarme comme ceux de M. Pagotto ne sont autre que le fruit d’une propagande “anti-crise” orchestrée par des politiciens en panne de solutions.
Régulièrement, des centres d’études et autres organisations professionnelles font pourtant état de pénuries de main d’oeuvre. Ainsi 150.000 emplois -couturier, boulanger, menuisier- seraient “snobbés par les Italiens”, selon un rapport de la fondation Studi Consulenti.
De même, il manquerait 6.000 “pizzaiolos” dans le pays natal de la “margherita”, contraignant les gérants des 50.000 pizzérias italiennes à se tourner vers de la main d’oeuvre étrangère, selon la FIPE, une branche de Confcommercio.
à Naples (Photo : Anna Monaco) |
Des jeunes trop exigeants?
Les jeunes Italiens serait-ils trop “choosy” -trop difficiles- comme l’avait assuré Elsa Fornero, ministre du Travail du gouvernement de Mario Monti, s’attirant les foudres de toute une génération de jeunes diplômés?
“Il est vrai que les jeunes générations ont des attentes trop élevées concernant leur avenir professionnel”, confirme partiellement à l’AFP Daniele Marini, directeur de la fondation Nord Est, un observatoire socio-économique. Mais “il ne faut pas généraliser”, tempère ce professeur, reconnaissant que le désintérêt des jeunes générations pour les professions manuelles “ne relève pas de leur seule responsabilité”.
“A la télévision et dans les journaux, le travail est toujours illustré par des ouvriers travaillant sur des chaînes de montage, comme si on était encore au XIXe siècle!” remarque le chercheur.
En outre, un système scolaire mal organisé en termes d’orientation professionnelle “ne permet pas de préparer les jeunes aux métiers d’avenir”, relève Daniele Marini.
Une étude d’Union Camere publiée cette semaine montre que la pénurie ne touche pas que les métiers manuels. L’Italie manque aussi d’économistes, de managers, d’ingénieurs, de mathématiciens et de commerciaux, selon cette Union des chambres de commerce, d’industrie et d’agriculture. Pour 12% des postes offerts dans ces secteurs, les candidats sont “introuvables”.
Sur fond de crispations, de polémiques et d’inquiétudes, le parlement a adopté le 7 août un décret gouvernemental qui va permettre le déblocage de près de 800 millions d’euros pour l’emploi des jeunes.
Une enveloppe qui servira à subventionner le recrutement à durée indéterminée d’actifs ayant entre 15 et 24 ans -à condition qu’ils n’aient pas travaillé les six mois précédent et qu’ils n’aient pas de diplôme d’enseignement secondaire- mais aussi la création d’entreprises et les stages.
“Nous avons la possibilité de faire davantage”, a affirmé Enrico Giovannini, le ministre du Travail, avant un conseil des ministres prévu vendredi, alors que l’économie italienne donne de timides signes de reprise en 2014.