Comment
interpréter un mouvement dans le corps des gouverneurs opéré le jour même du
coup d’envoi de l’opération d’«Errahil» et avec une forte médiatisation? Le
gouvernement a-t-il voulu dire “J’y suis, j’y reste“?
Comment interpréter l’installation, le samedi 25 août 2013, de sept nouveaux
gouverneurs, le jour même où -faut-il le rappeler-, le Front de salut national (FSN)
donnait le coup d’envoi de la semaine d’«Errahil» (départ), que les partis
d’opposition qui le constituent souhaitent décisive pour faire tomber le
gouvernement? Fortement médiatisée –avec une transmission en direct de la
cérémonie-, cette installation a été marquée par un discours du chef du
gouvernement, Ali Laarayedh, au cours duquel il a appelé «les gouverneurs à
appliquer la loi sur tous les mouvements et protestations qui portent atteinte à
la sécurité publique et aux intérêts des citoyens et bloquent la circulation».
S’agit-il d’un hasard?
Ces mutations et nominations ainsi que la teneur du discours du chef du
gouvernement ont suscité nombre de commentaires. S’agit-il d’un mouvement
partiel, d’une cérémonie comme d’un discours de circonstance, tous inscrits dans
l’agenda gouvernemental bien avant l’annonce de la semaine du départ? Ou plutôt
d’un défi porté à l’opposition? Pour lui signifier que le gouvernement ne badine
pas sur le prestige de l’Etat.
Difficile de se prononcer sur ces différentes questions. Reste qu’il est
difficile de croire que ce “remaniement“ n’est pas quelque part en rapport avec
le déclenchement de la semaine d’«Errahil». Même s’il s’agit d’un hasard!
Dans ce cas comme dans l’autre, le gouvernement a voulu sans doute manifester le
fait qu’il est toujours aux affaires. Le message est clair: l’engagement d’un
dialogue sur l’initiative de l’UGTT (Union générale tunisienne du travail) sur
une éventuelle démission du gouvernement ne veut pas dire la paralysie de
celui-ci. Rien n’est plus «symptomatique» pour un gouvernement engagé dans
l’action que de procéder à des nominations.
Notamment lorsque celles-ci ont par nature pour objectif d’assurer la continuité
de l’action gouvernementale. On devine que si de nouveaux hauts fonctionnaires
ont été nommés c’est parce que le gouvernement juge que ceux-ci vont apporter un
souffle nouveau à son action.
Sécuriser la base et les cadres d’Ennahda
Faut-il voir dans les récentes nominations-mutations partielles un autre
message? Celui qui consiste à dire, par exemple, que le gouvernement n’accorde
que peu de crédit aux critiques faites par le FSN quant à sa volonté de mettre
la main sur l’appareil de l’Etat. On sait que la création d’un haut comité en
vue de revoir toutes les nominations opérées par le gouvernement figure en bonne
place de l’initiative de l’UGTT pour faire réussir ce qui reste de la deuxième
période de transition. On évoque dans les milieux de l’opposition 2.000
nominations dans l’appareil de l’Etat.
Une révision en profondeur avec laquelle Ennahdha, épicentre du gouvernement, ne
semble pas tout à fait d’accord. Le chef du mouvement, le cheikh Rached
Ghannouchi, a déjà signifié que la révision ne pourrait qu’être partielle: elle
ne toucherait que quelques responsables, au gouvernement ou ailleurs, au tour
desquels un consensus n’existerait pas.
Examiné sous ce même angle, le mouvement partiel dans le corps des gouverneurs
pourrait servir à sécuriser les cadres et les bases du mouvement Ennahdha sur le
fait que le cap de la «légitimité» n’est pas abandonné. Beaucoup de ces derniers
ont été, du reste, interloqués par l’acceptation, même assortie de conditions,
de l’initiative de l’UGTT et par la rencontre, le 15 août 2013, à Paris, entre
le chef du mouvement et le président de Nidaa Tounes, Béji Caïd Essebsi,
jusqu’ici décrié pour être un des représentants du régime déchu de Zine El
Abidine Ben Ali. Des indiscrétions ont fait état d’une proposition de
portefeuilles à Nidaa Tounes pour la constitution du prochain gouvernement.
Les nouvelles nominations, du reste vite critiquées par des dirigeants du FNS,
s’intègrent-elles de ce fait dans la partie du bras de fer entre Ennahdha et
l’opposition, qui veut passer à une nouvelle étape tendant à chasser le
gouvernement Laarayedh du pouvoir?