Quel avenir pour la loi constitutive portant organisation provisoire des
pouvoirs publics de 2011 face aux appels à la dissolution de l’Assemblée
nationale constituante (ANC) et du gouvernement en place et à la formation d’un
gouvernement indépendant et apolitique?
C’est la question cardinale qui ne cesse de hanter la doctrine constitutionnelle
depuis le déclenchement de la crise politique qui secoue le pays.
Par souci de commodité et de simplicité de langage, la loi constitutive sur
l’organisation provisoire des pouvoirs publics est aussi dénommée
«mini-constitution» ou «petite Constitution», allusion faite à un texte de droit
constitutionnel transitoire régissant une période transitoire débouchant
nécessairement sur l’écriture d’une nouvelle constitution durable.
A cet égard, la loi constitutive de 2011 constitue sans conteste un texte de
référence et une norme juridique incontournable venant régir la période
post-révolution et délimiter l’étendue et les limites des champs de compétence
respectifs de la trilogie institutionnelle en Tunisie, en l’occurrence
l’Assemblée nationale constituante (ANC), le gouvernement et la présidence de la
République.
Néanmoins, la crise politique dans laquelle s’enfonce le pays commande
nécessairement de s’interroger sur l’avenir de cette petite Constitution.
Faut-il la maintenir dans sa version initiale? Faut-il la modifier? Ou encore
dresser le constat de son décès à travers son abrogation implicite ou explicite?
A l’heure où les négociations et concertations politiques engagées entre les
différentes parties politiques sous la bannière de l’Union générale tunisienne
du travail (UGTT) ne cessent de franchir des étapes avancées, l’Agence TAP a
tenté de scruter l’avis des experts de droit constitutionnel sur la question.
Ainsi ; pour le juriste Ghazi Ghrairi, il convient d’apporter des modifications
à la loi constitutive sur l’organisation provisoire des pouvoirs publics ou de
la remplacer par un texte similaire, l’objectif étant de parvenir à un équilibre
politique et institutionnel, préalable nécessaire à une éventuelle sortie de
crise. Le nouveau gouvernement aura pour mission de garantir la continuité
institutionnelle sur la base de cette loi, jusqu’à la tenue des prochaines
élections, a-t-il rassuré.
De son côté, le constitutionnaliste Kais Saied a plaidé en faveur du maintien de
la loi portant organisation provisoire des pouvoirs publics, précisant que cette
loi restera en vigueur jusqu’à la prise de fonctions effective des nouvelles
autorités issues de la nouvelle Constitution, tant que ce texte n’a pas été
modifié ou abrogé.
Cependant, M. Saied affirme que ce texte juridique recèle plusieurs ambiguïtés
et lacunes, citant, entre autres, l’obligation du parti majoritaire à l’ANC de
présenter son candidat à la présidence du gouvernement et l’incapacité du
président de la République à choisir la personnalité la plus habilitée à assumer
ce poste, qu’en cas d’échec du premier candidat à former le gouvernement dans un
délai de 15 jours. Cette hypothèse accorde au parti ayant obtenu le plus grand
nombre de sièges à l’ANC la capacité de choisir le prochain candidat à la
présidence du gouvernement, a-t-il expliqué.
Le constitutionnaliste fait également remarquer que la personnalité indépendante
qui serait chargée à l’unanimité de former le prochain gouvernement doit
nécessairement avoir l’aval du parti majoritaire à l’ANC.
Selon Salsabil Kelibi, professeur de droit constitutionnel, la modification du
texte de la loi constitutive portant organisation provisoire des pouvoirs
publics n’est pas obligatoire, dès lors que le texte actuel prévoit formellement
deux hypothèses pour la formation du gouvernement : la première concerne la
compétence du président de la République à charger le président du parti
majoritaire à l’ANC de former le nouveau gouvernement (art.15), alors que la
2ème hypothèse consiste à confier au président de la République la mission de
charger la personnalité la mieux habilitée, conformément aux dispositions de
l’art.19 de ladite loi.
L’art.19 de la loi constitutive sur l’organisation provisoire des pouvoirs
publics confère, entre autres, au président de la République une autorité
souveraine en matière de choix du chef du gouvernement, en cas de gestion des
crises politiques, a-t-elle tenu à expliquer, faisant remarquer que la situation
actuelle du pays commande l’application à cet article.