Le
chef du gouvernement ne démissionnera pas. Sourd aux appels des forces vives du
pays, il persiste et signe. On est dans l’impasse. La crise ne se réglera donc
pas à l’amiable.
Sûr de son bon droit et inflexible, Ali Larayedh enjambe l’actualité et se
projette déjà dans l’épisode des élections. Mais dans l’intervalle, qui va
régler la crise?
Le miroir narcissique
Ali Larayedh a enfin parlé. Il est concerné, au premier chef, par la situation
de crise politique qui paralyse le pays depuis le 25 juillet. Mais il ne donne
pas du tout le sentiment d’avoir perçu le message de la contestation populaire.
Vivrait-il dans une tour d’ivoire? Il serait victime du syndrome de Rafik
Abdessalem, lequel, cédant à l’ivresse du pouvoir, n’hésitait pas à affirmer que
le gouvernement de Hamadi Jebali était un gouvernement providentiel.
Ali Laareydh se regarderait ainsi dans un miroir narcissique. Ne voit-il donc
pas la vérité en face? Le carton rouge des agences de notation, en a-t-il
entendu parler? L’assassinat du martyr Mohamed Brahmi n’est-il pas un séisme
fatal dans le déroulement du processus de transition? Plus de 950.000 individus
s’activent dans l’informel, n’est-ce pas la fin du pacte social?
Les Tunisiens, avec une large majorité, ont dit que cela ne peut plus continuer
ainsi, dans l’intérêt de tous. Pourquoi le chef du gouvernement, alors même que
toutes les forces vives du pays réclament son départ, s’obstine-t-il à présenter
une feuille de route pour les mois à venir, comme si on réclamait son maintien?
C’est à ne rien y comprendre.
Le pragmatisme : une vraie fausse idée
Surfant sur l’actualité du moment, Ali Larayedh se projette dans l’avenir. Et,
pour ce faire, il engage la carte du pragmatisme. Ne sait-il donc pas que la
contestation populaire indique que le pays est en crise de confiance. Les quatre
points du chef du gouvernement sonnent comme une proposition décalée. Les
arguments avancés ont été neutralisés, un par un, comme par acupuncture, par
l’opposition en plus d’une circonstance.
Peut-on promettre aux Tunisiens une embellie économique, par les temps qui
courent? Le lustre de l’Etat n’étant pas à son zénith, que vaut une promesse de
stabilité? Pareil pour la sécurité. Compte tenu du bilan du gouvernement, les
propos de bonne gouvernance ou d’apaisement n’auraient pas prise sur la
conscience des gens. La crise de confiance ne veut pas dire qu’on garde les
mêmes et qu’on recommence, mais bien une rupture, une résiliation du contrat de
confiance.
Il y a eu un retournement de majorité dans le pays. Les sondages l’indiquent
clairement. La contestation populaire, qui s’étend aux régions, le confirme
chaque jour. La radicalisation du gouvernement est peu compréhensible.
L’opposition ne prend pas la place. C’est un cabinet neutre qui s’installera
pour empêcher que les Tunisiens se brouillent entre eux. L’offre est tout à fait
recevable et elle est faite pour éviter que le clivage politique tourne à la
fracture populaire. C’est une solution de salut amiable, une sorte de
gentelmen’s agreement*, qui aurait tendance à apaiser tous les partis en les
mettant à égale distance de l’exécutif, donc loin de tout pouvoir
d’interférence.
Le Front du salut national
A présent qu’Ali Larayedh ait soutenu qu’il restera à la barre, par devoir, le
Front du salut national se trouve au pied du mur. Lui qui accordait un délai de
réponse au gouvernement au 31 août, le voilà fixé à présent. Va-t-il déplacer
son sit-in à La Kasbah, dés à présent? L’escalade se profile. Et, même si le
pire n’est jamais sûr, la mêlée entre légalistes et légitimistes paraît bel et
bien engagée.