Départ de la Royal Bank of Canada, un coup dur pour l’Uruguay

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Logo de la Royal Bank of Canada (Photo : Alain Jocard)

[04/09/2013 06:32:51] Montevideo (AFP) La décision de la Royal Bank of Canada (RBC) de quitter prochainement l’Uruguay après une perquisition dans ses locaux est un coup dur pour ce petit pays sud-américain, mais constitue selon les experts le prix à payer pour donner des gages de transparence.

En juin dernier, un juge uruguayen avait ordonné la saisie des ordinateurs et des archives de la banque canadienne à Montevideo, répondant à une demande du juge argentin Norberto Oyarbide dans le cadre d’une enquête sur le blanchiment d’actifs.

Visiblement courroucée par ces saisies, la RBC a annoncé deux mois plus tard qu’elle fermerait ses bureaux en Uruguay à la fin octobre, invoquant poliment “un changement stratégique de ses activités” dans la région.

Si personne ne remet en cause la bonne volonté des autorités, beaucoup de voix se sont élevées sur la manière dont ont été menées les saisies, qui ont mis en péril le sacro-saint secret des données, notamment celles des détenteurs de comptes dans cette banque non visés par la justice.

L’image de la “Suisse de l’Amérique du Sud” écornée

Le secret bancaire a permis à l’Uruguay, parfois surnommé la “Suisse de l’Amérique du Sud”, d’attirer de nombreux capitaux étrangers (un quart des dépôts en devise étrangère dans ce pays largement dollarisé). Les services financiers sont un des piliers de l’économie locale (entre 8 et 12% du PIB depuis 20 ans).

“Cet épisode a été vu avec préoccupation, et beaucoup espèrent que cela ne se produira pas”, souligne l’ancien président de la Banque centrale (2002-2005) Julio De Brun, directeur de l’Association des banques privées d’Uruguay.

Selon lui cette perquisition a érodé l’image du pays auprès des banques, notamment car “les informations sur des clients qui n’étaient pas visés par l’enquête ont été compromises”.

“Jusqu’à présent, l’Uruguay a maintenu une attitude assez différenciée par rapport aux habituelles entraves aux droits individuels qui se produisent généralement en Argentine. Cela vient malheureusement effacer la frontière entre les deux” pays, regrette-t-il encore.

Suite à cette saisie, plusieurs journaux uruguayens et argentins se sont d’ailleurs fait l’écho d’inquiétudes parmi les particuliers argentins qui placent leur argent en Uruguay dans des institutions étrangères leur offrant des facilités de transferts en Europe, alors que l’Argentine a imposé un sévère contrôle des changes.

Le vice-président uruguayen lui-même, Danilo Astori, a concédé que le départ de la banque canadienne n’était “pas une bonne nouvelle pour le prestige du pays”, mais le vice-ministre de l’Economie a considéré que “ces situations ponctuelles” viennent “valoriser bien davantage le pays” dans le cadre de ses efforts pour améliorer la transparence financière.

Un “code de bonne conduite” ad-hoc pour les juges?

En 2010, l’Uruguay a adopté une loi assouplissant le secret bancaire afin d’obtenir son retrait de la “liste grise” des paradis fiscaux de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Le texte autorise la levée du secret bancaire par la justice sur demande de la direction générale des impôts (DGI), à la condition expresse qu’il existe des “indices objectifs” d’évasion fiscale.

Fin 2011, l’OCDE avait retiré l’Uruguay de la “liste grise” des paradis fiscaux après la signature par Montevideo de 18 accords de coopération fiscale.

Face aux récentes protestations, auxquelles se sont joints les gérants de la zone franche qui abritait les locaux de la banque canadienne, les autorités uruguayennes se sont penchées sur les moyens d’adapter les procédures judiciaires à la garantie du secret bancaire.

Le président de la Banque centrale Mario Bergara a annoncé qu’il travaillait avec le ministère public et plusieurs juges sur la rédaction d’un “guide de bonne conduite” visant à encadrer “les demandes d’informations sur des données protégées par le secret bancaire”, car en l’état, le juge décide seul du mode opératoire des saisies.

Mais pour Carlos Diaz, président du Secrétariat national anti-blanchiment, cette initiative reviendrait à rogner les prérogatives des représentants de la justice.

“Un des reproches que l’on a fait à l’Uruguay est celui d’être un paradis fiscal. Le fait qu’il respecte ses engagements internationaux en faveur de la transparence, non seulement ne nuit pas à son image, mais il la renforce”, affirme-t-il.