La Tunisie est à l’arrêt. Suspendue, l’ANC gesticule, l’opposition s’égosille, le gouvernement plonge dans son autisme, et Carthage se débat. Où va le pays?
A 7 semaines de la date du 23 octobre 2013, la Tunisie est enfoncée dans une crise politique que plus personne n’arrive à contenir.
D’un côté, l’opposition relance pour la énième fois son jour d’«Errahil», annonçant la chute imminente du gouvernement. De l’autre, le gouvernement tergiverse. Il part sans partir et reste sans tout à fait rester.
Le tout se fait dans un soi-disant dialogue où personne n’entend l’autre.
Même les journalistes sont tenus à l’écart des négociations pour trouver une sortie de crise à la situation actuelle. Ces pratiques sont forcément annonciatrices du retour de la langue de bois et des discours unilatéraux.
De leur côté, les partenaires sociaux, l’UGTT et l’UTICA essentiellement- sont dans le même camp. Sauver ce qu’il y a lieu de l’être. Toutes les initiatives personnelles comme la toute dernière d’Yadh Ben Achour se sont fracassées.
Immobilisme ou chaos?
La rentrée est bel et bien difficile en ce début de septembre.Oubliés les engagements de la révolution. Aux oubliettes les réformes, la croissance, la lutte contre la pauvreté… Au diable les Tunisiens qui se sont exprimés dans la rue lors de l’assassinat de Chokri Belaid et Mohamed Brahmi.
Que les Tunisiens, qui souffrent en silence et observent sans rien comprendre leur prise en otage par une élite qui se débat et déçoit, ne pensent plus qu’aux cahiers et livres qu’ils ont du mal à acheter et regrettent leurs rêves de liberté, de justice, de dignité, de vie meilleure…
Que les Tunisiens qui désespèrent d’un avenir meilleur se désintéressent de la politique -car ils ne s’y reconnaissent pas- ne dérange personne. Et surtout pas les partis politiques qui, c’est bien connu, ne se souviennent du peuple que quand il devient des voix pour les élire. Or, pour le moment, nous en sommes encore bien loin. Parler des élections est au mieux utopique au pire crédule.
Cependant, le Tunisien a la mémoire vive et n’oublie pas. Dans son quotidien, il souffre mais sait rester stable et devient stabilisateur de ce pays que l’on malmène. La force de la Tunisie vient d’un fait vérifiable dans chaque coin de rue. Les Tunisiens sont hermétiques à la violence, à l’intolérance, aux divisions, aux manipulations.
Dans leur quotidien, ils refusent de diaboliser l’autre si bien que barbus et laïcs, destouriens et révolutionnaires, vieux et jeunes, femmes et hommes vivent et continuent de vivre ensemble ou chacun de son côté en bonne intelligence.
A l’image de tel mariage dans un quartier populaire où l’alcool coule à flot et les femmes ont dansé sur une «soulamiya». A l’image des dizaines de plages publiques où les femmes en maillot barbotent avec celles en burquini sans un regard agressif de centaines de barbus très barbus.
Un tour à Sounine, à Korba et à Kairouan permet de vérifier combien les Tunisiens sont supérieurs à cette classe politique qui n’arrive pas à mûrir et assumer ses responsabilités.
Des partis qui n’arrivent pas à changer l’essentiel de ce pourquoi ils sont créés, à savoir aider la communauté. Entre ceux qui restent coincés dans l’opposition et le refus systématique et ceux qui restent cantonnés à un mouvement «undergroud» qui ne sait pas gouverner, le Tunisien trace son chemin.
Une fois la crise passée, il en sortira plus faible, plus pauvre, plus indifférent à un idéal à construire. C’est là que tout se perd. Car la Tunisie a tout pour réussir. Tout pour exceller. Au rythme où va la transition, il faudra qu’un saut générationnel se fasse. Pour le moment, l’élite règle ses comptes avec l’histoire et les Tunisiens sont bloqués dans le présent. Qui pense à l’avenir?