C’est à n’en pas douter, une réforme nécessaire et opportune. L’ennui est qu’elle arrive à un moment où elle pourrait être privée d’un débat national. En cherchant à la précipiter, on court le risque de la bâcler.
Le pays a besoin de cette réforme fiscale. L’impôt est un facteur déterminant de distribution des richesses, par conséquent de justice sociale. Et, un élément clé de stimuli de l’activité économique.
Les milieux d’affaires répètent à satiété que la pression fiscale intervient dans l’allocation des ressources. Et précisent que les incitations fiscales sont un facteur d’attractivité et de captivité des investissements nationaux et étrangers. Ceci, sans compter que l’Etat est sollicité pour un nouveau rôle dans l’activation régionale et l’entretien du dynamisme économique du pays.
Le cadrage budgétaire nouveau appelle lui aussi une révision profonde de ses ressources.
Au final, à l’heure où le pays est à la recherche d’un nouveau modèle économique, une refondation fiscale semble aller de soi. L’ennui est que cette réforme intervient à un moment où le pays est sous le joug d’un tourment politique.
Portée et limites d’une réforme qui mérite un large champ de débat.
L’esprit et les chiffres
Plusieurs commissions au sein du ministère des Finances ont abouti, à l’issue d’un travail d’exploration minutieux, à présenter des plateformes de propositions cohérentes, en vue d’aller vers un aggiornamento fiscal, en ligne avec les attentes du moment. L’impératif de justice sociale devient un corollaire inévitable de la nouvelle gouvernance publique. C’est même, dirions-nous, une exigence démocratique, incontournable.
L’examen de la structure actuelle des recettes fiscales de l’Etat dénote d’une structure pour le moins dépassée et qui ne peut plus tenir car en inadéquation avec les impératifs économiques et sociaux. Les impôts directs de l’Etat proviennent, tenez-vous bien, à hauteur de 48% des entreprises et 52% des personnes physiques.
Une seule observation à ce sujet peut renseigner sur l’urgence de cette réforme. La valeur ajoutée de l’économie du pays est si faible que l’Etat est obligé de puiser dans les bas de laine des salariés que dans le compte d’exploitation extra plat des entreprises.
Il faut savoir que 1% des entreprises rapportent 80% du total des impôts directs. La population des contribuables inscrits au régime forfaitaire, qui approche les 400.000 individus, rapporte 23 MDT contre 2.600 MDT environ pour les salariés. Nous sommes à des rations quasiment intenables. Autant l’efficacité économique que la contrainte d’optimisation des finances publiques justifie une refonte en profondeur de la philosophie du système fiscal dans son ensemble.
Une réforme globale, qui ne tombe pas à pic
Le département des Finances a longuement communiqué sur la réforme fiscale qu’il prépare minutieusement. Il reste que le calendrier n’y est pas très favorable, compte tenu des convulsions actuelles de la scène politique nationale.
Les programmes de lutte contre l’évasion fiscale, les assouplissements programmés dans les contraintes fiscales procédurières de déclaration, la volonté de baisse de la pression fiscale avec un allégement des barèmes notamment en matière d’impôt sur les sociétés, l’inclusion des opérateurs de l’informel dans le schéma fiscal, l’approche de révision du régime forfaitaire sont toutes, certes perfectibles, mais abondent dans le sens d’un plus en matière de justice fiscale et d’une modernisation du système, qui nous met en équivalence avec les économies avancées et nos compétiteurs régionaux.
Le fait d’avoir annoncé que cette réforme fiscale servirait à l’élaboration du budget pour l’année 2014 laisse en arrière-fond l’image d’un Etat en manque de recettes, impression ravageuse en termes d’image.
Par ailleurs, rien ne dit que les dispositions de révision du régime forfaitaire qui tendrait à faire basculer vers le régime réel des bénéficiaires impropres seront adoptées. Les forfaitaires sont un gisement électoral considérable. La perspective d’enrôler ceux qui en ont les moyens dans le régime réel revient à se les aliéner, d’autant que le pays est en attente électorale.
Il est vrai que l’allégement des taux de l’impôt sur les sociétés est un élément favorable, encore faut-il le coupler avec le régime des incitations de mobilité. Et, dans cette revendication profonde d’équilibre entre les régions, ne pas instituer une fiscalité régionale, ne va pas dans le sens de la croissance inclusive. L’affaire mérite davantage de consultations. En la matière, l’expertise des spécialistes est un atout structurant mais l’adhésion des contribuables doit être acquise et celle-ci nécessite une large concertation..