Le pays est dans l’attente. Suspendu aux déclarations de Houcine Abassi, sifflant la fin du match malgré les arrêts de jeu fréquents et non comptabilisés. Les deux blocs campent sur leurs certitudes ou sur leurs craintes, et les petits jeux des outsiders continuent par ricochet, tandis que le navire prend l’eau.
Automne angoissant et horizons peu clairs, et pourtant les solutions existent mais demandent un courage qui semble avoir déserté notre élite!
La culture politique apparaît dans toute sa clarté lors des épreuves que peut vivre un pays. La Tunisie est en pleine crise politique aiguë depuis l’assassinat de Mohamed Brahmi bien qu’on puisse diagnostiquer ses apparences depuis les impasses répétées qu’à connues le pays. Nous voilà, après un marathon qui a pris tout le mois d’août, encore une fois dans l’impasse malgré les efforts de l’UGTT, l’UTICA, la LTDH et l’Ordre des avocats -le quatuor qui a parrainé les pourparlers.
Les accusations et les menaces des uns des autres fusent du camp de la Troïka et de celui de l’opposition. Chacun campe sur ses certitudes et chacun sait pourtant qu’on est en ce début de septembre dans une autre logique politique que celle de fin juillet où on a vu les appels à la mobilisation de la rue nous conduire vers un affrontement généralisé.
La Troïka crie haut et fort que les concessions qu’elle a consenties ouvrent la possibilité à un accord national rapide, entre 4 et 8 semaines pour constituer un gouvernement de compétences et finir les travaux de l’ANC et que le gouvernement de Laarayedh est prêt à démissionner dès qu’on se met autour de la table de discussions.
Pour sa part, l’opposition crie haut et fort que les concessions qu’elle a consenties ouvrent (elles aussi) la possibilité à un accord national rapide; mais là c’est “un 15 jours“, et l’ANC devra avoir fini ses corvées au plus tard le 23 octobre. Le gouvernement doit démissionner solennellement et s’abstenir de toute activité partisane de nomination…
Le quatuor négociateur n’en peut plus. L’opinion publique n’en peut plus. Les observateurs neutres, nationaux et internationaux, ainsi que nos partenaires stratégiques dont les ambassadeurs n’ont pas chômé cet été, pointent du doigt le déficit de confiance absolu entre les deux parties. L’opposition soupçonne Ennahdha de magouiller et de tergiverser pour s’assurer le plus de chances pour les élections. Ennahdha accuse l’opposition de faire traîner les choses dans le but de retarder les dates des élections.
L’élite tunisienne manque de culture politique
Dans les deux camps, les petits calculs et les non-dits existent certes, mais qu’est-ce qui peut faire bouger les lignes du front dans cet état des choses? Un attentat terroriste? Ou plutôt la dégradation de l’économie qui s’aggrave chaque jour? Ou encore une personnalité politique d’envergure qui saura parler aux uns et aux autres et les amener à la raison? C’est ce qu’a essayé de faire Ben Jaafar dans son adresse au peuple tunisien mercredi dernier, et avant lui c’est ce que Néjib Chebbi et Yadh Ben Achour ont tenté chacun dans son style.
C’est ici que nous pouvons bien pointer les faiblesses de notre culture politique, somme toute assez malmenée par 60 ans de dictature! Notre classe politique, nous tous enfin de compte avons grandie dans une culture d’exclusion.
Depuis les premiers jours de l’indépendance, nous nous sommes exclus mutuellement. On se souvient des combats sanglants entre les bourguibistes et les youssefistes dès 1955! On se souvient des fameuses phrases «des chasseurs dans les eaux troubles», «des suppôts de l’étranger» à propos des tous les opposants à Bourguiba et à Ben Ali.
On se remémore des joutes et des combats à l’université entre maoïstes et marxistes, entre communistes et nationalistes, entre la Gauche et les islamistes. Toujours le mot d’ordre “exclusion“. Il n’y a presque jamais eu de place dans cette culture au compromis sauf si ce camp ou l’autre y est acculé!
Aujourd’hui encore nous y sommes!