Sucre : les États-Unis achètent pour contrer la fonte des prix

f760d026ee5248f8c5d9aa7d0814ba30e4b7718a.jpg
évolution du cours de la matière première entre 2002 et 2012 (Photo : Lionel Bonaventure)

[11/09/2013 06:57:33] New York (AFP) Le prix du sucre a fondu cette année aux Etats-Unis et pour tenter de contrer cette chute, les autorités ont dépensé près de 90 millions de dollars.

Traditionnellement plus cher que le prix moyen du marché mondial, le sucre américain a quand même dégringolé de près d’un tiers entre les étés 2012 et 2013.

En cause: une production proche de niveaux records aux Etats-Unis, de plus de 9 millions de tonnes, et des importations massives en provenance du Mexique.

Le prix s’inscrit aussi dans le sillage de la chute des cours au niveau mondial, au plus bas en trois ans en raison d’une récolte record du premier producteur et exportateur de la planète, le Brésil.

Mais aux Etats-Unis, les producteurs de betteraves et de canne à sucre sont soutenus par l’Etat: le ministère de l’Agriculture (USDA) est tenu par la loi d’agir pour garantir un prix minimum.

Début juillet le cours du sucre américain est descendu à 18,70 cents par livre, son plus bas niveau depuis que ce contrat a commencé à être échangé à la bourse ICE de New York en 2008. Or les autorités considèrent qu’il faut au moins 20,9 cents par livre pour que les sucriers puissent rembourser les crédits de fonctionnement accordés par l’USDA en début d’année.

Pour éviter que trop de producteurs ne fassent défaut, le ministère a donc dans un premier temps abaissé au minimum les quotas d’importation et relevé ceux d’exportation.

Puis en juillet, l’USDA a déboursé environ 50 millions de dollars pour acquérir 107.000 tonnes de sucre et les échanger contre l’engagement des raffineurs à réduire leurs importations, selon les chiffres publics du ministère.

Les autorités ont aussi payé fin août 3,6 millions de dollars pour 7.000 tonnes de sucre, revendues dans la foulée à un producteur d’éthanol pour … 900.000 dollars. Les Etats-Unis n’avaient plus acheté directement sur le marché depuis 2000, année de récolte record aux Etats-Unis.

1cde0f08d1d202b810fbf93085c7e0aade8d3a71.jpg
Une usine de production de sucre, en France (Photo : Philippe Huguen)

Et la semaine dernière, les Etats-Unis se sont retrouvés avec 85.000 tonnes de sucre sur les bras, versés en échange de quelque 35 millions de dollars de crédit de fonctionnement que plusieurs producteurs n’ont pu rembourser.

Ces actions ont permis au prix du sucre de reprendre un peu de vigueur depuis mi-juillet. Mais lundi soir, à 21,09 cents la livre, il s’affichait encore à un prix inférieur de 24% à celui d’il y a un an.

Subventions d’un autre temps

L’industrie du sucre, qui emploie quelque 142.000 personnes aux Etats-Unis, craint que si le gouvernement ne monte pas plus au créneau, nombre de producteurs ne doivent mettre la clé sous la porte.

“Je suis sûr que l’USDA comprend les dangers auxquels fait face le marché américain”, remarque Jack Roney, économiste à l’Alliance du sucre américain, en rappelant que les cours actuels sont inférieurs au prix moyen des années 1980.

A la fin du mois, les producteurs de sucre doivent encore rembourser plus de 300 millions de dollars de crédit de fonctionnement et “si les prix restent aussi bas, ces prêts risquent de ne pas être honorés”, observe-t-il.

Mais le soutien du gouvernement n’est pas du goût de tous.

Selon la Coalition pour une réforme du sucre, un organisme qui regroupe entre autres les producteurs de confiseries, sodas et autres produits sucrés, les “subventions” du gouvernement relèvent “d’un autre temps” et de la “manipulation de marché”.

L’organisation milite pour une abolition de la loi qui oblige l’USDA à garantir un prix minimum. Mais “au moment où on réduit les programmes de soutien au maïs ou au soja, l’industrie du sucre reste politiquement très importante aux Etats-Unis”, remarque Jack Scoville, spécialiste des produits agricoles à Price Futures Group.

Les parlementaires représentant les principales zones de production “sont généralement en place depuis longtemps, ce qui leur permet d’obtenir plus facilement le maintien des aides”, explique-t-il. “On paie toujours très cher pour notre sucre et le contribuable va probablement continuer à payer la facture”.