çade de la Cour des comptes, à Paris (Photo : Thomas Samson) |
[11/09/2013 11:03:40] Paris (AFP) La Cour des comptes a livré mercredi un jugement sévère sur le crédit impôt recherche (CIR), niche fiscale généreuse censée doper l’innovation en France, mais qui jusqu’ici apparaît surtout coûteuse et mal contrôlée.
“Le coût a été mal anticipé”, et si le dispositif montre “une certaine efficacité”, rien ne dit que celle-ci soit “substantielle”, a asséné mercredi Patrick Lefas, président de la troisième chambre de la Cour des comptes, devant la commission des Finances de l’Assemblée nationale.
La Cour a été chargée par les députés d’examiner de près ce crédit d’impôt créé en 1983 et entièrement réévalué fin 2007. Le CIR couvre 30% des dépenses de recherche et développement des entreprises jusqu’à 100 millions d’euros de dépenses de recherche et développement, 5% au-delà.
Il est considéré comme le mécanisme de soutien public à la recherche et développement le plus puissant de tous les pays développés, avec un poids de 0,26% du produit intérieur brut (PIB) français.
“C’est un instrument très généreux mais aussi très coûteux”, qui présente “un risque budgétaire” au moment où la France tente de contenir son déficit, a dit M. Lefas.
Le CIR a été chiffré au départ à 2,7 milliards d’euros par an une fois atteint son plein effet, or actuellement “son coût réel est de 5 milliards d’euros”, et il devrait bientôt tendre vers 7 milliards, a-t-il estimé.
La France à la traîne en R&D
La niche fiscale est relativement populaire auprès des entreprises, puisque entre 2007 et 2011, le nombre de sociétés y ayant recours a doublé, pour atteindre 19.700. Mais ce chiffre ne représente “que 0,5% des entreprises” en France, a regretté M. Lefas, soulignant que malgré ce coup de pouce fiscal, le pays restait à la traîne en matière de dépenses privées de recherche et développement par rapport à d’autres pays développés, comme l’Allemagne.
Un laboratoire de recherche (Photo : Remy Gabalda) |
“Il y a des indices montrant une certaine efficacité (du CIR) mais à ce jour pas d’élément probant permettant de dire que cette efficacité est substantielle”, a jugé le président de la troisième chambre de la Cour des comptes.
L’institution, qui veille à ce que les deniers publics soient bien employés, relève dans le rapport transmis aux députés qu’il n’y a pas “d’effet d’entraînement” du CIR sur les dépenses en recherche et développement des entreprises, lesquelles n’ont pas évolué proportionnellement à ce coup de pouce fiscal.
La Cour relativise aussi l’effet du CIR sur l’attractivité de la France, c’est-à-dire sur sa capacité à attirer des entreprises étrangères pour qu’elles investissent dans le pays et y cherchent leur matière grise. Si l’effet semble avoir fonctionné au départ, c’est-à-dire dans les années ayant suivi 2007, il y a eu “un fléchissement à partir de 2011”, souligne la Cour.
Forte de ces constats, l’institution se fend de plusieurs recommandations à l’Etat.
La dématérialisation de la déclaration du CIR “doit constituer une priorité”, à la fois pour que l’Etat puisse mieux suivre le coût du dispositif, et pour simplifier la tâche des entreprises.
Par ailleurs le fisc “doit se donner les moyens de lutter plus efficacement contre la fraude”. En effet, le CIR peut être remboursé de façon anticipée, ce qui peut inciter des fraudeurs à créer des sociétés fantoches uniquement pour encaisser les chèques.
Devant les députés, M. Lefas a toutefois reconnu que le dispositif avait été utile au moment de la crise financière de 2008 et 2009, en permettant aux entreprises “de bénéficier de liquidités” rapidement, sans tailler trop dans leurs dépenses de recherche.