Cinq ans après Lehman, la longue convalescence des Etats-Unis

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çade de son siège de New York en 2008, année de sa chute (Photo : Nicholas Roberts)

[12/09/2013 05:38:23] Washington (AFP) Un anniversaire mais pas de célébrations: cinq ans après la chute de Lehman Brothers, les Etats-Unis ont surmonté une récession historique au prix d’une flambée de la dette et du chômage et d’une mise sous perfusion financière.

“On n’a en aucun cas renoué avec une situation fantastique mais l’économie s’est au moins stabilisée”, assure à l’AFP Kenneth Rogoff, professeur à Harvard et ancien chef économiste du FMI.

Le 15 septembre 2008, quand Lehman Brothers fait faillite, l’économie américaine est déjà infectée depuis plusieurs mois par le poison des crédits immobiliers à risque (“subprime”). Mais la chute du géant bancaire, icône de Wall Street depuis plus d’un siècle, sera le détonateur d’une profonde crise financière qui se propagera à l’ensemble du globe.

L’Etat fédéral met très vite plus de 420 milliards de dollars sur la table pour renflouer banques (Bank of America, Citigroup…) ou constructeurs automobiles (General Motors et Chrysler) mais ne parvient pas à contenir l’hémorragie.

Entre septembre 2008 et septembre 2009, le taux de chômage monte en flèche, de 6,1 à 9,8%. L’activité s’effondre, notamment au dernier trimestre 2008 quand le produit intérieur brut (PIB) plonge de 8,3% en rythme annualisé. Parallèlement, le déficit public paie un lourd tribut aux plans de sauvetage, passant de 3,2% à 10,1% du PIB entre 2008 et 2009.

“C’était une période extrêmement risquée. Une nouvelle Grande Dépression se profilait”, rappelle M. Rogoff en référence à la crise de 1929.

Cinq ans après, ce spectre a été écarté tout comme celui d’une rechute rapide. Hormis un léger accroc pendant les trois premiers mois de 2011, la première économie du monde a renoué avec la croissance depuis l’automne 2009. Mais sa convalescence n’est pas achevée.

“Piqûre de rappel”

“La capacité des autorités américaines à adopter une approche musclée de résolution de la crise financière a été décisive”, dit à l’AFP Nicolas Véron, chercheur au Peterson Institute de Washington.

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êt eserment lors de son audition par une commission parlementaire, en septembre 2008 à Washington (Photo : Chip Somodevilla)

Pour tenter d’apaiser les marchés, les géants bancaires américains ont été soumis dès 2009 à des tests de résistance. Votée en 2010, la loi Dodd-Frank de régulation de Wall Street a gravé l’exercice, désormais annuel, dans le marbre législatif.

Outre ses sauvetages financiers, l’administration Obama a également lancé en février 2009 un plan de relance de 787 milliards de dollars axé sur la consommation et l’immobilier.

Pour quels résultats? Décimé par les saisies, le secteur du logement a repris des couleurs même si les prix n’ont pas retrouvé leur niveau d’antan. Mais la consommation, traditionnel moteur de la croissance, a perdu de sa superbe et le patrimoine des Américains a subi des pertes “spectaculaires”, selon les termes d’un responsable du Trésor.

Avec la crise, “les ménages ont eu une sorte de piqûre de rappel sur leurs retraites et ne peuvent pas porter une reprise forte sur leurs épaules maintenant, parce qu’ils doivent désormais épargner”, observe pour l’AFP Joseph Gagnon, ancien membre du Trésor américain dans l’administration Clinton.

La détérioration du marché de l’emploi n’arrange rien: le taux de chômage reste élevé pour les Etats-Unis (7,3% en août) et la proportion d’Américains ayant renoncé à chercher un travail est au plus haut depuis plus de 35 ans.

“Un échec terrifiant”

Le diagnostic du Prix Nobel d’économie Paul Krugman est sans appel: la politique des Etats-Unis depuis Lehman a été un “échec terrifiant”, écrit-il sur son blog, fustigeant l’absence d’un “coup de pouce massif” et public à l’emploi.

L’administration Obama, déjà aux prises avec des coupes budgétaires, semble y avoir renoncé. En cinq ans, la dette publique des Etats-Unis a flambé de plus de 65%, à près de 16.700 milliards, et alimente une nouvelle guérilla politique au Congrès.

L’économie américaine reste par ailleurs sous perfusion de sa banque centrale, la Fed, qui a injecté plus de 3.000 milliards de dollars dans le circuit financier depuis le début de la crise pour soutenir l’activité et le crédit.

“Le retour à la normale ne pourra être décrété que lorsqu’on sera sorti des mesures exceptionnelles de la Fed”, juge Nicolas Véron.

Le moment de vérité approche: la Fed pourrait annoncer dès la semaine prochaine un ralentissement de son soutien à l’économie.