Pas moins d’une douzaine de chaînes de télévision sont concernées par ce qui peut ressembler à une vaste opération de régularisation qui touche l’audiovisuel tunisien. La HAICA est-elle outillée pour réaliser une étude des dossiers qui lui sont soumis? Dans quels délais la HAICA devra-t-elle rendre son verdict?
Des questions qu’il faudra poser, maintenant que la HAICA va entamer l’étude des dossiers des chaînes télévisées candidates à une licence d’exploitation d’un service de communication audiovisuelle .
Le 10 septembre 2013 a été fixé par la HAICA (Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle) comme dernier délai pour la réception des dossiers des chaînes de télévision qui «diffusent sans autorisation». Il s’agit -si nos comptes sont bons- de quelque onze chaînes de télévision (Attounsya 1 de Sami Fehri) et trois chaînes d’Attounsya 2 (celles de Slim Riahi), Al Qalam, Al Zaytouna, Al Inssen, Al Janoubya, Al Moutawassat, TNN et Tounessna), que les Tunisiens peuvent regarder sur satellite, et qui sont en infraction avec le décret-loi 116 du 2 novembre 2011 qui stipule dans son article 16 que les chaînes de radio et télévision tunisiennes devront disposer d’une licence fournie par la HAICA.
En engageant l’étude des dossiers de ces chaînes, la HAICA entame une véritable épreuve des plus importantes pour elle. L’occasion sans doute de s’interroger sur l’expérience que vivra la HAICA.
1- La HAICA est-elle outillée pour réaliser une étude des dossiers qui lui sont soumis? On sait, à ce chapitre, que la HAICA n’est pas encore dotée des moyens nécessaires pour travailler correctement. Si elle dispose de bureaux et de mobilier, si la question des salaires de ses membres a été réglée, la HAICA n’a pas encore de budget. Par ailleurs, de par la complexité des dossiers, qui nécessitent des compétences à la fois professionnelle (programmation, grille des programmes…), mais aussi économique (schéma de financement, bilan et compte des résultats…), la HAICA devra faire appel à des experts. Alors, va-t-elle recourir à la sous-traitance?
2- Dans quels délais la HAICA devra-t-elle rendre son verdict? Le facteur temps est important dans la mesure où, d’abord, il faudra faire vite pour régulariser la situation du marché audiovisuel qui doit être assaini, mais aussi parce qu’il serait préférable de pouvoir clore le dossier avant la fin de la période de transition et donc les prochaines élections.
La HAICA le pourra-t-elle? On sait que l’étude des dossiers va nécessiter des allées et venues. Avec sans doute –aussi- de nombreuses réunions pour distinguer le bon grain de l’ivraie.
3- S’agit-il d’une opération de régularisation? La question mérite d’autant plus d’être posée que le marché de l’audiovisuel est marqué par le trop plein. Si les chaînes citées plus haut venaient à être régularisées, le pays disposerait d’une quinzaine de chaînes de télévision en ajoutant les cinq chaînes qui assurent déjà un service audiovisuel. Une quinzaine de chaînes qui devront venir s’abreuver dans un réservoir publicitaire des plus démunis. La Tunisie possède l’un des plus faibles marchés publicitaires du Maghreb. Le marché de la publicité dans l’audiovisuel est estimé à 106,4 millions de dinars (indications de Sigma conseil pour 2012); presque le triple pour le Maroc (385,5 millions de dinars). A moins que les chaînes qui seraient régularisées –ou du moins une partie d’entre elles- comptent sur les revenus de leurs promoteurs dont certains seraient assez fortunés pour financer une chaîne de télévision –sans publicité. Ce qui n’est pas sans poser des questions quant à la nature de ces chaînes qui semblent inscrire leur action dans une autre logique que professionnelle. Certaines chaînes détenues par des leaders politiques pourraient d’abord servir leur image.
4- Le verdict de la HAICA sera-t-il convaincant? Il est de tradition en Tunisie –et cela s’est beaucoup renforcé depuis l’avènement de la révolution- que l’on rouspète chaque fois que l’on n’obtient pas ce que l’on veut. D’autant plus que le décret-loi 116, qui a donné donc naissance à la HAICA, a fait l’objet de lourdes critiques.
Le STDM (Syndicat tunisien des dirigeants des médias) a rejeté de nombreuses dispositions de ce texte. Le STDM, qui compte des promoteurs de projets audiovisuels, a estimé en effet, le 6 novembre 2012, que l’«application du décret-loi 116 entraînera l’audiovisuel tunisien dans une crise plus grave par rapport à la situation actuelle». Et il est à craindre que l’on ressorte demain ces critiques pour refuser le verdict de la HAICA.
Attendons pour voir !