Décidément l’UMP joue de malchance dès qu’il s’agit de la Tunisie. Ainsi, la conférence «Emploi et développement territorial», qui devait se tenir à Tunis en mars dernier et qui a été reporté suite à l’assassinat politique de Chokri Belaïd, se tient les 17 et 18 septembre en pleine grève générale des médias tunisiens au premier jour de sa tenue. …
Les thèmes programmés auraient été des plus intéressants si la Tunisie n’avait pas réduit ses ambitions de “pays émergent“ à celles d’un “pays sur la voie de la somalisation“. Ils auraient été captivants si l’année scolaire 2012-2013 n’avaient pas souffert du désistement de 100.000 jeunes. La conférence aurait été la bienvenue si le dialogue national laissait prévoir un dénouement prochain, si l’opposition -en grande partie compromise- ne se souciait pas plus de son positionnement que de l’avenir du pays, si la troïka lâchait le pouvoir et arrêtait d’exiger des garanties «internationales» d’impunité totale, preuve que son exercice est très probablement entaché de pratiques «illégitimes» ou illégales…
La conférence de l’UPM serait arrivée à point si la dynamique économique était dans la progression et non dans la régression, et si le pays avait pris le chemin de la paix sociale et d’un climat sécuritaire rassurant et réconfortant aussi bien pour les enfants du pays que pour les investisseurs domestiques et étrangers.
Cerise sur le gâteau, la Tunisie peut se prévaloir de voisins qui, après avoir longtemps cherché des interlocuteurs valables, veillent aujourd’hui à ses intérêts en préservant les leurs, soit pour des raisons purement sécuritaires, soit pour des raisons économiques. Pour preuve? L’ambassade du Maroc à Tunis aurait ouvert un guichet unique destiné aux investisseurs qui désirent délocaliser leurs projets ou en créer ailleurs.
C’est ce qu’on appelle les raisons d’Etat…
Le premier thème de la conférence intitulé «Le défi de l’Emploi: comment adapter les stratégies nationales afin d’améliorer l’employabilité et les compétences des jeunes?» serait précédé d’une ouverture officielle présidé par un chef du gouvernement boycotté par les médias nationaux. Mais qu’à cela ne tienne, pour Ennahdha, le plus important ce n’est pas ce que pense d’elle le peuple tunisien mais plutôt l’image qu’elle renvoie à l’international. La presse étrangère veillera à répercuter sa voix, elle qui n’entend aucun son à part le sien.
C’est parce qu’ils se sont inspirés du slogan «l’emploi est un droit», scandé des milliers de fois lors de l’insurrection des jeunes à travers le monde, notamment dans le pourtour méditerranéen, en 2010/2011, que les organisateurs ont choisi le thème en question. Et c’est parce que le gouvernement dirigé dans sa majorité nahdhaouie considère que le travail est un droit acquis pour ses partisans et ses bons loyaux serviteurs que la majorité des 44.000 nouvelles recrues sont des sympathisant notoires ou des amnistiés emprisonnés pour des délits de droits communs ou à cause de desseins terroristes…
Toutefois pour l’UPM: «depuis la révolution tunisienne, les autorités tunisiennes ont établi une stratégie ciblée en déployant les efforts nécessaires et les ressources adéquates afin de résorber le chômage et créer davantage d’emplois».
Mais de quels emplois parle-t-on là? De ceux qui paralysent aujourd’hui établissements et institutions publics? L’Union pour la Méditerranée fait, elle, dans la dentelle et dans la diplomatie, se rétractant en rappelant «de nouveaux défis qui subsistent, s’agissant en particulier de l’amélioration de l’employabilité des jeunes et de la création d’emploi et en reconnaissant que le chômage représente toujours un défi des plus intimidants non seulement pour les pays méditerranéens arabes, mais aussi pour quelques pays européens».
La deuxième session de la Conférence appelée «Le développement local, une voie essentielle pour le changement: comment traduire les stratégies nationales en actions locales?», a suscité la problématique du développement local, lequel varie de la promotion de l’esprit d’entreprise à la lutte contre l’exclusion dans les zones défavorisées. Quoique le développement régional en Tunisie s’est limité aux discours d’intentions car aucun projet d’envergure n’a vu le jour à l’intérieur du pays. Et nombreux parmi ceux qui ont été proposés par les investisseurs domestiques trainent sur les bureaux de ministres lesquels loin de voir l’urgence de traiter les dossiers en suspens, savourent la toute-puissance de postes dont les a dotés un soulèvement populaire dans lequel ils n’ont aucun mérite. Mais là nous parlons de personnages qui ne savent même pas ce que l’exercice du pouvoir implique comme obligations et responsabilités dans un Etat qui se respecte…
Une des sessions les plus importantes de la conférence est certainement celle touchant au développement des PME et des investissements dans le secteur privé peuvent-ils et la création des champions locaux et régionaux. «Les PME doivent affronter une multiplicité de contraintes qui pèsent sur l’efficacité de leur rôle en matière de développement. En plus de contraintes financières bien connues, elles font face à une myriade d’obstacles allant de l’obtention des inputs nécessaires à la production d’un produit compétitif et à sa commercialisation, en passant par un environnement institutionnel et réglementaire inadéquat. D’autre part, la création d’un environnement favorable à l’esprit d’entreprise et aux PME peut être facilitée par le développement d’infrastructures durables de services de conseil aux entreprises pour renforcer leurs capacités d’innovation, leur compétitivité et leur capacité à attirer des investissements extérieurs.
Rappelons à l’occasion que selon le dernier «Doing Business», il y a eu un recul de 12% dans la création d’entreprises en Tunisie. C’est dire que dans un pays où les querelles politiques ont pris le pas sur tout le reste et où la crise de confiance entre différents rivaux politiques et composantes de la société civile subsiste, l’économie est reléguée à une place insignifiante, ce qui ne manquerait pas de dépeindre sur la conférence de l’UPM.
Et pourtant, dans un article paru, il y a plus d’une année, sur le Financial Times, l’auteur de l’article relevait ironiquement que «les régimes des pays du printemps arabe pourraient bien tomber à cause de ce trop d’ordures qui couvrent les rues, les cités et les villes».
S’il ne s’agissait que d’ordures, peut-être aurait-il suffi d’engager des équipes adéquates pour s’en occuper, mais en Tunisie, les bases mêmes de l’Etat, les acquis de l’économie et le mode de vie de tous les Tunisiens sont en train de partir en fumée, et à cela, l’UPM, avec toute la volonté du monde, ne pourra rien changer !.