éseau Bank of Cyprus (BoC), le 30 juillet 2013, à Nicosie (Photo : Yiannis Kourtoglou) |
[17/09/2013 08:39:21] Nicosie (AFP) Les Russes ont désormais leur mot à dire dans la gestion de la Bank of Cyprus (BoC), premier établissement bancaire de Chypre, conséquence paradoxale des réticences européennes à un plan de sauvetage complet en raison de soupçons de blanchiment d’argent sale d’origine russe.
Le 10 septembre, six Russes ont été élus au conseil d’administration de la BoC lors d’une réunion historique des actionnaires, notamment ceux dont les comptes ont été ponctionnés en vertu du plan de sauvetage européen, une première dans l’histoire de la banque.
Pour l’analyste financière Fiona Mullen, ces élections ne devraient pourtant étonner personne, étant une conséquence naturelle des mesures draconiennes imposées par le plan de sauvetage européen de 10 milliards d’euros.
En échange de ce sauvetage, Chypre a dû dégager 13 milliards d’euros grâce à une série de mesures, dont le démantèlement de la seconde banque de l’île, Laïki, et une ponction de 47,5% des comptes de la Bank of Cyprus dont le solde était supérieur à 100.000 euros
Cette restructuration du système bancaire a impliqué la transformation des déposants en actionnaires.
“Les Russes à la tête de la plus grande banque de l’île, c’est une conséquence du plan, alors la réponse aux dirigeants européens c’est +on récolte ce que l’on sème+”, explique Mme Mullen.
Tout au long des négociations avec les bailleurs internationaux, Chypre a été dépeinte –particulièrement par l’Allemagne– comme une immense machine à blanchir l’argent sale venu de Russie.
Les banques ont été accusées de ne pas poser de questions aux riches oligarques venus déposer leurs liquidités dans les banques de l’île. Et les Chypriotes sont persuadés que c’est pour cette raison que les bailleurs ont fait en sorte que l’île soit le seul membre de la zone euro où les comptes supérieurs à 100.000 euros se voient taxés.
“Nos amis sont restés nos amis”
Mais, ironie de l’histoire, ce sont les conditions du plan qui ont offert aux Russes le statut de sauveurs. Et pour la première fois, des non-Chypriotes sont à des postes de direction à la Bank of Cyprus.
Pour Alexandros Apostolides, professeur d’économie à l’Université européenne de Nicosie, “si les bailleurs internationaux avaient voulu diminuer l’influence russe à Chypre, ils n’auraient tout simplement pas dû opter” pour ces mesures bancaires.
“Obliger les investisseurs russes à devenir actionnaires les ancre encore plus qu’avant dans l’économie. La seule personne plus liée à un pays qu’un déposant, c’est un actionnaire”, explique-t-il.
Ainsi “s’ils voulaient sanctionner les Russes en leur prenant leur argent et en le transformant en actions, ils n’ont finalement réussi qu’à les faire rester”, ajoute-t-il.
La banque centrale de Chypre doit cependant encore approuver les nominations, dont celle du nouveau vice-président, Vladimir Strzhalkovskiy, qui serait un ancien agent du KGB et un ami proche du président russe Vladimir Poutine et l’ancien PDG de Norilsk Nickel, le plus grand producteur de nickel au monde.
Mais vu de l’île, les Russes ont sauvé Chypre de l’abysse.
Dans une interview à l’agence russe Itar-Tass, le président chypriote Nicos Anastasiades est allé jusqu’à remercier la communauté russe de ne pas être partie. “Nos amis sont restés nos amis”, a-t-il dit.
La santé de la Bank of Cyprus est un élément essentiel de l’économie de l’île, sévèrement frappée par la récession, a ajouté M. Anastasiades, pour qui l’essentiel est de garder la banque à flot.
Le capital social de l’établissement s’élève à 4,7 milliards d’euros, dont 81,4% sont détenus par 21.000 déposants devenus actionnaires par le biais du plan de sauvetage.
Le plus gros groupe d’actionnaires est celui des déposants de la Laïki avec 18,1%, puis viennent les hommes d’affaires russes et ukrainiens, à hauteur de 12 à 15%.
Aucun résultat financier de la BoC n’a été publié récemment.
“Nous n’avons aucune idée si la banque peut être sauvée, puisque nous n’avons pas vu les comptes. Nous ignorons quel est l’état des finances”, a expliqué le président Anastasiades.