L’enthousiasme des marchés s’étiole après le coup de théâtre de la Fed

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à Washington, DC (Photo : Karen Bleier)

[19/09/2013 15:23:12] Paris (AFP) L’enthousiasme s’étiolait jeudi sur les places financières mondiales après un début de journée en fanfare provoqué par le coup de théâtre de la banque centrale américaine qui a décidé de continuer à inonder le marché de ses liquidités.

A Wall Street, qui avait salué la décision le veille, l’humeur était déjà bien plus prudente.

Vers 14H30 GMT, le Dow Jones était en léger recul de 0,10% à 15.661,63 points, plombé par la publication d’une augmentation des nouvelles inscriptions hebdomadaires au chômage aux Etats-Unis.

La Réserve fédérale (Fed) a annoncé mercredi pendant la séance boursière américaine, mais après la clôture des marchés en Europe, qu’elle maintenait ses rachats d’actifs à 85 milliards de dollars par mois, ainsi que son taux directeur proche de zéro.

Cette décision a surpris les investisseurs, qui tablaient en moyenne sur une réduction des injections de liquidités de l’ordre de 5 à 10 milliards de dollars.

En Asie, les économies en développement en particulier ont respiré après avoir enregistré des départs massifs de capitaux pendant l’été.

Les marchés des pays les plus concernés ont fini en nette hausse, de plus de 4% en Indonésie, et de plus de 3% en Inde. La Bourse de Manille a elle clôturé en hausse de 2,81%.

Les Bourses des pays asiatiques développés ont aussi connu une hausse, mais moins marquée. A Tokyo, le Nikkei ne s’est adjugé que 1,8% en clôture, à 14.766,18 points.

Hong Kong a terminé en hausse de 1,67% à 23.502,51 points et Sydney de 1,10% à 5.295,5 points.

Séoul, Shanghai et Taipei étaient fermées pour cause de jour férié.

Sur le marché des changes, l’euro profitait des annonces de la Fed, qui confirment la création de monnaie, et donc la dilution de la valeur de titres libellés en dollars.

Vers 15H00 GMT, l’euro valait 1,3542 dollar, après avoir atteint un plus haut depuis début février (1,3569 dollar), contre 1,3516 dollar mercredi.

La roupie indienne –qui bénéficie aussi d’un resserrement du crédit mis en place par la Banque centrale du pays– reprenait elle des couleurs, revenait au-dessus des 62 roupies pour un dollar, alors qu’elle était descendue à 69 roupies pour un dollar début septembre.

Même scénario dans un autre pays lui aussi très chahuté récemment sur les marchés, la Turquie. Le dollar s’est stabilisé à 1,9552 livre turque à la mi-journée, après avoir frôlé les 2 livres mercredi soir encore.

Le principal indice de la Bourse d’Istanbul, le BIST100, s’est envolé dès l’ouverture, pour dépasser à la pause de la mi-journée le seuil des 80.000 points, en hausse de plus de 7%.

Sur les marchés européens toutefois, après une ouverture en nette hausse, l’humeur s’est assombrie en cours de séance, en particulier après le début plutôt frais des places américaines.

Le Dax allemand s’est ainsi offert un nouveau record à l’ouverture, prenant 1,15% d’entrée, mais ne prenait plus que 0,44% vers 14h30 GMT tandis que le CAC 40, à Paris, grimpait à la même heure de 0,58%. Londres avançait d’un peu plus de 1%.

Retour des capitaux

Aussi la décision de la Fed “pourrait-elle nourrir des attentes que les sorties de capitaux (des pays émergents) cessent ou s’inversent”, a relevé Barclays Capital dans une note, citée par l’agence Dow Jones Newswires.

Le retour des capitaux serait “particulièrement bienvenu pour les marchés des devises et des taux dans les pays affichant de forts déficits des comptes courants”, comme l’Inde et l’Indonésie, a estimé Barclays Capital.

“A très court terme, la grande prudence de la Fed à agir va soutenir les marchés actions, probablement aussi mettre sous pression les taux américains (gains à attendre plus limités), et redonner des couleurs aux actifs liés aux pays émergents”, commentaient les analystes de CM-CIC dans une note.

Tranchant avec la bonne humeur ambiante, Ishaq Siddiqi, de chez ETX Capital, s’inquiétait lui du “coup porté à la crédibilité” du patron de la Fed Ben Bernanke qui, en déjouant les attentes et en “refusant d’envoyer un message fort au marché en le privant de sa drogue favorite”, peut “faire croire à certains qu’il est aussi impuissant que nous tous quand il s’agit de mettre les Etats-Unis sur le chemin d’une croissance durable”.

Pour l’analyste, “la dynamique derrière ce rebond des marchés n’est pas plus crédible que la réputation de la Fed aujourd’hui.”

La prudence était aussi de mise pour le stratège devises Mike Keenan, de la banque sud-africaine ABSA Bank.

Notant que le rand avait gagné 25 cents face au dollar pendant la nuit, il commentait ainsi la décision de la Fed: “A court terme c’est positif mais à moyen terme cela n’arrange pas vraiment notre position car la Fed va bien devoir à un moment ou à un autre commencer à rétrograder dans sa politique monétaire, et ce sera probablement négatif en particulier avec les pays qui ont de forts déficits (courants) comme l’Afrique du Sud”.