«La formation professionnelle n’est pas de mauvaise qualité, mais les jeunes sont mal préparés à la vie professionnelle». Fruit d’une enquête menée sur le terrain, ce constat d’Yves Matthijs, Country Manager Swisscontact Tunisie, concernant l’état des lieux de la formation professionnelle en Tunisie, n’étonne guère tant on connaît déjà bien les maux de notre pays dans ce domaine. Mais là où l’analyse retient l’attention, c’est lorsqu’elle aborde les faiblesses dans le détail.
Ainsi, les sortants de la formation professionnelle présentent, selon cet expert suisse, quatre types de lacunes. D’abord, professionnellement, ils «manquent de pratique, de précision, d’automatismes, etc. Ensuite, sur le plan du comportement, ils «manquent d’engagement, de respect du travail, d’initiative», se distinguent par leur absentéisme, une attitude défiante, une difficulté d’adaptation. De même, en matière de communication, ils ont des difficultés à dialoguer et à convaincre. Enfin, ils ont des lacunes en matière d’organisation du travail et de planification.
Mais les entreprises tunisiennes également sont loin d’être irréprochables pour ce qui est de leurs relations avec les jeunes lui venant de la formation professionnelle. D’après le même sondage, «69% des responsables de Gestion des Ressources Humaines (GRH) n’ont pas été formés à leurs responsabilités», constate Yves Matthijs. En outre, «les employeurs sont souvent peu intéressés et souvent mal outillés pour valoriser les jeunes professionnels». Et leurs entreprises pêchent également par un manque d’encadrement.
Très engagée depuis sa création en matière d’emploi, la Confédération des entreprises citoyennes de Tunisie (CONECT) a eu la bonne idée d’aller frapper à la porte de la Suisse pour en importer un concept qui a fait ses preuves là-bas dans l’espoir qu’il aidera à combler le fossé actuel, selon le mot de Naoufel Jammali, ministre de la Formation professionnelle et de l’Emploi, «entre les qualifications des ressources humaines et la demande du marché». Ce concept suisse c’est celui d’«Entreprise d’Entraînement». Mais ce ne sera pas du copier-coller.
De quoi s’agit-il? Le jeune en formation dans une Entreprise d’Entraînement (EE) n’est pas un stagiaire. C’est un employé que sa future entreprise confie à l’EE pour qu’elle le prépare à sa future vie professionnelle grâce à une pédagogie individualisée et un accompagnement personnalisé en vue de développer son savoir-faire et son savoir-être.
«Cette nouvelle forme de promotion de promotion de l’emploi a fait ses preuves en Suisse et les concepteurs de cette action ont eu le mérite d’adapter l’approche à la réalité tunisienne et aux soucis des parties locales», note Tarak Chérif, président de la CONECT.
Pour aider à la réussite de cette greffe, la coopération suisse a doté ce programme d’une enveloppe de 5 millions de dinars pour la période 2013-2015. Par ce geste, la Suisse espère provoquer en Tunisie, selon Pierre Combernous, l’ambassadeur suisse, une sorte de «réveil». Car, souligne le diplomate helvétique, «si on continue avec des modèles qui patinent et produisent des gens qui ne peuvent trouver de l’emploi, on ne va pas s’en sortir».
Rappelant que ce système a permis à son pays d’avoir l’un des taux de chômage les plus bas au monde (3%), l’ambassadeur de Suisse se dit «convaincu qu’on réussira en Tunisie. Cela prendra du temps mais on y arrivera».