é à Pékin (Photo : Wang Zhao) |
[21/09/2013 11:44:30] Pékin (AFP) Les autorités chinoises commencent à récolter les fruits de leur campagne musclée de remise au pas des réseaux sociaux: nombre de blogueurs, à commencer par les plus incisifs et les plus suivis, modèrent désormais leurs commentaires, effrayés par la répression en cours.
Tout en maintenant une lourde censure de la Toile, le Parti communiste chinois (PCC) s’est en effet lancé dans une bataille pour le contrôle de l’opinion sur l’internet, ciblant l’influence “négative” pour la société et le pays qu’auraient certains blogueurs.
Cette bataille a été lancée au mois d’août par le président Xi Jinping en personne, lors d’une “conférence sur la communication et l’idéologie” durant laquelle il s’en serait pris aux valeurs occidentales, jugeant que c’est désormais sur internet que se livre “l’essentiel des batailles idéologiques”, selon la presse chinoise.
Les responsables de la propagande ont été appelés à “former une armée puissante (…) capable d’occuper le terrain des nouveaux médias”, et les journalistes chinois priés de suivre des formations au “marxisme”.
“L’internet est rempli d’une foule d’informations négatives et de voix critiques qui répètent que le gouvernement agit mal”, a averti la revue du PCC “Chercher la Vérité”.
Résultat: une vague d’arrestations de centaines de cybermilitants et “lanceurs d’alerte”, généralement accusés d’avoir “inventé et colporté des rumeurs”.
Une loi a même été promulguée à cet effet, selon laquelle un internaute auteur d’un message jugé diffamatoire et republié au moins 500 fois encourt désormais jusqu’à trois ans de prison.
Il suffit par ailleurs qu’un microblog jugé offensant soit vu par 5.000 personnes pour que son auteur risque également d’être écroué.
“Tout cela génère de la pression et une atmosphère de peur”, souligne Xie Wen, un des pionniers de l’internet chinois, ancien responsable de Yahoo! Chine. “L’objectif est clairement de museler les gens”.
Particulièrement dans le collimateur du pouvoir se trouvent les micro-blogueurs surnommés les “Big V”, pour leur identité vérifiée et leurs nombreux abonnés.
Issus du show-business ou des milieux intellectuels ou d’affaires, certains sont devenus la bête noire du régime par leur capacité à rallier des millions de lecteurs à une position critique.
Avec un lectorat de plus de 13 millions de personnes, le magnat de l’immobilier Pan Shiyi est l’un d’eux. Il a démontré sa capacité de mobilisation –et de nuisance pour le pouvoir– en publiant des relevés sur la mauvaise qualité de l’air à Pékin, à une époque où les autorités refusaient de les rendre publics.
A la mi-août, M. Pan et d’autres blogueurs de son envergure ont été conviés à une réunion par des représentants officiels de la supervision du Net. Ils s’y sont vu intimer le “conseil” d’être “davantage positifs et constructifs” dans leurs commentaires mis en ligne, a rapporté l’agence officielle Chine nouvelle.
Confessions publiques
Interviewé ensuite à la télévision d’Etat CCTV, Pan Shiyi s’est montré contrit, mettant en garde contre les effets néfastes des messages “désinvoltes”.
Plus emblématique est le cas du Sino-Américain Charles Xue. Cet entrepreneur millionnaire, dont le compte est suivi par près de 12 millions de personnes, a été interpellé fin août, officiellement accusé d’avoir fréquenté des prostituées.
Connu pour ses prises de positions audacieuses, il avait notamment soutenu une campagne demandant une transparence accrue sur la pollution en Chine et lancé une alerte sur l’ampleur des trafics d’enfants dans le pays.
Il a été montré ensuite à la télévision en combinaison de prisonnier, “confessant” s’être servi des réseaux sociaux pour “flatter (sa) vanité”. Une “repentance” habituelle dans le système judiciaire chinois, en échange d’un verdict moins sévère.
Cette campagne d’intimidation a de l’effet: “Je sens la pression qui s’exerce, je fais davantage attention à ce que je publie, quel que soit le thème”, a confié à l’AFP Wang Xiaoshan, un acteur de cinéma dont le compte de microblog dépasse le million d’abonnés.
“Il y a toujours eu des limites mais désormais cela devient plus grave, on n’a pas envie de finir en prison”, a-t-il ajouté.
L’avocat Zhou Ze reconnaît que lui aussi, maintenant, s’autocensure: “J’ai renoncé à écrire sur la corruption des officiels. Et encore plus s’il s’agit de ceux de la Sécurité d’Etat: c’est eux qui effectuent les arrestations”.