Frappés par la crise, des Italiens redécouvrent les travaux des champs

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Italie, le 16 septembre 2013 (Photo : Olivier Morin)

[22/09/2013 13:14:36] Zenevredo (Italie) (AFP) Signe des temps, les travaux saisonniers comme les vendanges ne rebutent plus les Italiens: dans l’Oltrepo-Pavese, zone viticole du Nord, des chômeurs du cru profitent d’une initiative locale pour renouer bon gré mal gré avec le terroir.

Baptisé “vendange solidaire”, ce projet expérimental piloté par Coldiretti, un syndicat d’exploitants agricoles, vise à faire coïncider offre et demande de travail sur une base exclusivement locale. L’idée est de soutenir l’emploi et de “fidéliser” les rapports entre les agriculteurs et leurs journaliers, qu’ils pourront ainsi réemployer et mobiliser à brève échéance.

Davide Stocco, 38 ans, propriétaire d’azienda agricola Eredi Cerutti Stocco, une exploitation viticole d’une dizaine d’hectares près de Pavie (50 km au sud de Milan), y a recouru lorsque 3 des 7 personnes qu’il devait embaucher pour les vendanges lui ont fait faux bond. Il a pu compléter son équipe grâce aux CV mis à disposition par la Coldiretti de Pavie. Contrairement aux années précédentes, où il engageait fréquemment des étrangers, il n’emploie cette fois que des Italiens du canton, la plupart très jeunes et sans emploi.

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Italie, le 16 septembre 2013 (Photo : Olivier Morin)

“C’est la première fois que nous faisons comme ça, les autres années nous faisions appel à la famille, au bouche-à-oreille, mais c’était pénible”, explique-t-il. “La vendange n’est pas un travail difficile, c’est à la portée de tous. En plus ce sont (presque) tous des jeunes qui ont envie d’apprendre et qui s’impliquent. Espérons qu’ils aient l’intention de poursuivre cette activité”, souligne-t-il.

En ce deuxième jour de récolte, “ils s’en sortent tous bien”, estime-t-il, désignant le petit groupe qui, sécateur à la main, fait tomber les lourdes grappes bleutées dans des seaux.

“C’est un coup de pouce que nous donnons aux chômeurs d’ici”, explique-t-il. “Les Italiens ne voulaient plus faire les travaux des champs et on avait du mal à trouver de la main d’oeuvre, mais ces deux dernières années des gens sont revenus pour faire des travaux ponctuels comme les vendanges”, relève-t-il.

Daris, 25 ans, au chômage après des études d’hôtellerie, n’exclut pas de poursuivre dans cette voie: “Pourquoi pas, je me trouve bien ici (…) En Italie c’est un peu la crise, le travail est rare. Il faut s’en contenter”, sourit-il.

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Italie, le 16 septembre 2013 (Photo : Olivier Morin)

Marinella, seule femme du groupe, âgée de 51 ans, est au chômage depuis que son entreprise a fermé il y a plusieurs années. “Tant que tu as un travail fixe, tu ne t’imagines pas que tu seras obligé un jour de faire les vendanges. Mais quand tu ne l’as plus…”, soupire-t-elle. “Aujourd’hui, il n’y a pas beaucoup de possibilités de travail, et puis je n’ai plus 20 ans, et donc je cherche un poste. Entretemps, je fais ça.”

A coût égal (en un mois un ramasseur peut espérer jusqu’à 1.300 euros bruts), il est plus facile d’employer des locaux que des étrangers, qu’il faut loger et avec lesquels la communication est souvent difficile, explique Davide Stocco.

Mais la philosophie de la “vendange solidaire” n’a rien à voir avec les thèses anti-immigrés du parti de la Ligue du Nord, bien implanté en Lombardie, précise Claudio Milani, représentant de Coldiretti à Pavie: “Nous n’avons rien contre les personnes arrivant de l’étranger”, lance-t-il. Mais “si nous réussissons à aider la main d’oeuvre locale, nous aidons l’économie locale (…) et on peut ainsi créer une fidélisation et ne pas s’en tenir à l’épisode des vendanges”, espère-t-il.

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Italie, le 16 septembre 2013 (Photo : Olivier Morin)

Lancé au début de l’été, le projet, inspiré d’une initiative similaire à Brescia est encore embryonnaire: mais, “signe des temps, signe de la crise”, il a fait mouche auprès du public. Quelque 200 personnes ont postulé pour les vendanges: “Nous avons déjà réussi à en placer une cinquantaine. Ca nous semble déjà très positif”, souligne-t-il.

“Avant les Italiens étaient réticents à faire ce genre de travail: à présent, ils changent un peu de perception, surtout les jeunes. Je pense que cette initiative reverra le jour”, juge-t-il.