«Une amie, qui a organisé une cession de formation et de recyclage, m’a fait savoir qu’elle a eu affaire à des personnes qui avaient du mal à conjuguer un verbe du premier groupe, à écrire une phrase juste et de se concentrer sur un sujet. Pour certaines personnes, l’école n’est qu’un vague souvenir. Il y avait le fellah, le forgeron, le gardien, le berger, l’épicier, le chômeur, etc. Ces personnes ont été intégrées dans l’enseignement pour réparer une supposée injustice, mais elles sont en train de créer une autre beaucoup plus grave : celle de fournir une formation ras-les-pâquerettes à des milliers d’élèves. Pour ceux qui étaient vraiment “mathloumine”, (opprimés), le bon sens aurait été de leur confier un travail sans relation avec les élèves et la formation».…
Ce témoignage, concernant le recrutement «d’enseignants» incompétents qui ont bénéficié de l’amnistie générale, est la preuve incontestable et incontestée des menaces qui planent non seulement sur l’Administration tunisienne mais également sur le futur de générations de jeunes qui ne pourraient bénéficier de la qualité de l’enseignement requis à l’aune du 21ème siècle dans un pays devenu, à un certain moment, émergent grâce à la qualité de ses ressources humaines.
44.000 nouvelles recrues dans la fonction publique depuis la chute de l’ancien sans oublier les autorisations accordées à des fleuristes, bureaux de tabacs, kiosques de journaux aux partisans de la Troïka et particulièrement à ceux d’Ennahdha.
«Au début, nous devions recruter seulement 21.000 dans la fonction publique, ensuite le nombre fut porté à 25.000», rappelle Mohamed Abbou, ancien ministre chargé de la Réforme administrative auprès de l’ancien chef du gouvernement, Hamadi Jebali.
Qu’est-ce qui a motivé des recrutements massifs paralysants pour l’Administration et onéreux pour le Budget de l’Etat? «On a pris des dispositions à l’ANC usant de la règle “imbécile“ de la majorité absolue pour faire passer la loi de recrutements exceptionnels dans la fonction publique. Ils ont usé du prétexte des blessés de la révolution «Cha3rit Mouaouia» (le cheveu de Mouaouia) pour pouvoir ensuite en user à leur guise et placer leurs militants et sympathisant», explique Abdelkader Labbaoui, président de l’Union tunisienne du service public et de la neutralité de l’Administration, qui a établi un parallèle entre les nominations et l’appartenance à la Troïka et plus particulièrement à Ennahdha en faisant une étude sur un échantillon représentatif.
On a prix pour prétexte les blessés de la révolution pour placer des milliers d’amnistiés accusés emprisonnés en raison de liens avec des organisations terroristes ou pour avoir représenté une menace pour la sécurité du pays et même des amnistiés de droit commun qui ont été renvoyés à cause d’actes contraires à la loi.
Parmi les 44.000 nouvelles recrues, près de 30% sont des amnistiés et parmi les amnistiés eux-mêmes près de 20% disposent de sources stables de revenus. «C’est le comble de l’iniquité. Alors que des jeunes chômeurs ne trouvent pas de quoi vivre, d’autres cumulent des emplois dans le public et le privé!».
Un épicier dans le quartier d’El Aouina, et qui perçoit également une pension de la France, exerce actuellement au ministère de l’Agriculture (dont le ministre n’est autre qu’un pur et dur nahdhaoui). La logique aurait été qu’on donne sa place à quelqu’un d’autre, même un nahdhoui. Mais que connaît-il de l’agriculture, que peut-il apporter à ce département?
Le plus dangereux dans toutes les nominations réalisées par le gouvernement nahdhaoui, explique l’expert, c’est la nomination de hauts responsables qui n’ont pas l’expérience requise pour gérer et manager comme il se doit les troupes. Conséquences: un malaise au sein de l’Administration, une passivité, une inertie et une indifférence qui se répercutent directement sur la qualité des services publics.
Ce n’est pas la compétence qui détermine le choix de la personne la plus apte et la plus méritante mais l’allégeance à un parti. Les nouvelles nominations ont touché aussi bien les postes diplomatiques -un ancien mécanicien militant nahdhaoui aurait été nommé consul à l’ambassade de Tunisie en Libye- que les hauts postes dans les mairies, les communes et les Imadats.
Par l’affaiblissement des administrations publiques, ce sont les institutions du pays et par la même l’Etat qu’on détruit. Dans quel but? Le faire disparaître pour mieux occuper le terrain?
Nous y reviendrons. .