Limiter les découverts ou ce que nous appelons communément «le rouge» dans les banques tunisiennes serait de l’intox, prétend la Banque centrale de Tunisie (BCT). Il n’empêche, ce sont les banques qui ont la main sur la gâchette du rouge pour les fonctionnaires de l’Etat. Maitres à bord, elles peuvent dégainer tout comme elles peuvent préférer ranger leur… «argent».
Il serait donc de plus en plus difficile pour ceux ou celles qui ne bénéficient pas d’une autorisation spéciale de compter sur un dépassement des montants plafonnés au sein de leurs banques respectives: manque de liquidités et de visibilité oblige. L’heure est donc à la prudence.…
Ilyes Fakhfakh, ministre des Finances, a d’ailleurs rappelé dans une intervention sur Shems FM que tout ce qui touche la politique monétaire est du ressort de la Banque centrale. Quoiqu’au vu des difficultés que traverse le pays, il va falloir prendre des mesures d’austérité. «Nous allons devoir réduire les dépenses de l’Etat d’au moins 5% et réviser la gestion des fonds publics y compris le système de compensation».
Donc, pour avoir pris entre autres mauvaises décisions celles de recruter près de 44.000 agents administratifs dont des contractuels qui ont fait grimper les dépenses publiques. Pour avoir quadruplé voire quintuplé le nombre des hauts commis de l’Etat au rang de conseillers, secrétaires d’Etat, ministres conseillers et ministres, le peuple doit trinquer.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le déficit budgétaire primaire se creuse de plus en plus, les ressources courantes de l’Etat n’arrivant plus à couvrir ses dépenses courantes. Le solde primaire est par conséquent déficitaire de 3,2% du PIB.
Mahmoud Ben Romdhane, macroéconomiste et chercheur, déclarait pas plus tard que lundi 23 septembre sur Ecomag à Express Fm qu’outre le déficit du budget de l’Etat -d’ores et déjà annoncé à la Constituante et qui s’élèverait à près de 5 milliards de dinars en 2013-, il faut s’attendre à un déficit supplémentaire de 5,1 milliards de dinars pour 2014.
Le titre II, celui relatif aux projets de développement structurants et créateurs de richesses, relèverait aujourd’hui plutôt du fantasme. La cause serait, d’après M. Ben Romdhane, la mauvaise gestion de l’Etat, qui mènerait le pays à l’emprunt et à la réduction des dépenses de développement.
Une politique d’austérité qui toucherait les catégories populaires moyennes et pauvres
Aux dernières nouvelles, on parle également de revoir les factures d’électricité subventionnées par l’Etat en essayant de «ménager les plus démunis», d’augmenter les prix de certaines denrées alimentaires dont le sucre subventionné par l’Etat et même d’accroître les prix des vignettes des voitures.
La classe moyenne, le plus grand élément équilibrant de la Tunisie, s’appauvrit de plus en plus. Pire, les chômeurs qui ont bataillé pour travailler vont devoir aujourd’hui lutter pour avoir de quoi manger.
Oui. Le tableau est sombre, mais à quoi bon embellir le panorama d’un pays qui part à la dérive si les décideurs n’ont pas le courage de faire leur mea culpa et reconnaître tout simplement qu’ils ont échoué à mener les politiques socioéconomiques qui correspondaient à une phase postrévolutionnaire par ignorance des choses de l’Etat ou parce que trop pressés d’être au pouvoir…?
Car, lorsque nous voyons que les dettes publiques ont augmenté de 9% entre 2010 et 2013, passant de 40 à 49%, lorsque le déficit budgétaire durant les sept premiers mois de l’année 2013 est de 10% alors qu’il était de 1,1% en 2010, nous ne pouvons que plaindre les dirigeants actuels pour leur aveuglement et pleurer notre pays tombé en disgrâce.
Parler de 3% de croissance n’est que pure fantaisie, estime un observateur économique sur la place de Tunis. «Car si nous prenons en compte la baisse de 35% des récoltes en céréales, ce qui correspond à -1,25% de taux de croissance avec une augmentation de 2% des prix des matières premières, soit 3% au prix constant, conjuguée à une consommation électrique en haute et moyenne tension qui n’a pas dépassé les 2% durant les 6 premiers mois de l’année, ce qui signifie un ralentissement des productions industrielles, nous ne pouvons rêver plus de 2,5% de croissance d’ici à la fin de l’année. Une piètre performance au vu des besoins du pays».
Stagnation du revenu par tête d’habitant…
La conséquence de cet état de fait serait la paupérisation de la classe moyenne, pire chez les classes les plus démunies.
Entre 2010 et 2013, le revenu par tête d’habitant à prix courant aurait dû augmenter de 18%, ce n’est pas le cas alors que l’indice des prix a augmenté de 17%. Quant à l’indice des prix des produits alimentaires, il a progressé de 20%, ce qui signifie une quasi-stagnation du revenu par tête d’habitant.
Tous ces indicateurs nous amènent à une question cruciale: la prochaine révolution serait-elle celle des affamés?
Tout dépendra de la manière dont la Troïka gérera la situation actuelle, car tout le monde s’accorde à dire que la solution ne peut qu’être politique. Plus de visibilité, rétablissement de la confiance entre le gouvernement, l’opposition, les composantes de la société civile et le peuple. L’échec des négociations entre la Troïka et le quartet n’est malheureusement pas de bon augure. Et alors que les uns et les autres s’accusent d’avoir fait échouer les négociations, nous assistons à un repli des organisateurs qui ont supervisé le dialogue national dans leurs «quartiers» pour décider de la marche à suivre.
L’UGTT a déjà appelé, dans un communiqué, à des rassemblements publics et à des manifestations dans toutes les régions et touchant tous les secteurs dans l’attente d’une grande marche pacifique. On prévoit des marches pacifiques ce jeudi 26 à Jendouba, Sfax, Mahdia et au Kef.
L’UTICA sonne la mobilisation…
L’UTICA, pour sa part, entame dès cette semaine une série de réunions avec ses représentants par secteur et par région ainsi qu’avec les groupes les plus importants pour mettre en place une stratégie lui permettant de faire face à une très possible dégradation de la situation socioéconomique en Tunisie.
L’UTICA veut anticiper les réactions des uns et des autres car les opérateurs privés ne risquent pas d’oublier qu’ils ont été, après le 14 janvier, les dindons de la farce, ont été traînés dans la boue et accusés de tous les maux. Cette fois-ci, la centrale patronale ne veut pas être prise au dépourvu, elle veut être capable de défendre aussi bien ses adhérents, le tissu économique privé que se prévaloir d’un rôle qu’elle estime devoir jouer pour redresser la situation économique du pays de la meilleure manière qui soit et dès que possible.
Pour une fois, le patronat ne sera pas un comparse mais occupera la place qu’il mérité aux devants de la scène économique du pays. Du moins, c’est ce qu’espère sa présidente, Wided Bouchamaoui, qui reprend totalement le gouvernail de son institution après s’être consacrée pendant de longues semaines aux discussions du quartet. Discussions qui se sont malheureusement avérées stériles.