de la SNCM au port de Marseille, le 28 octobre 2012 (Photo : Boris Horvat) |
[26/09/2013 15:42:30] Paris (AFP) L’exécutif régional corse se prépare déjà à demander le remboursement de plus de 200 millions d’euros par la SNCM, et a bien l’intention de se retourner vers l’actionnaire Veolia si la compagnie maritime n’est pas en mesure de régler la note.
La SNCM, ainsi que l’Etat, mènent actuellement deux recours contre une condamnation de la Commission européenne du mois de mai, qui exige de la France qu’elle recouvre 220 millions d’aides jugées illégales versées à la compagnie reliant la Corse au continent entre 2007 et 2013.
Mais dans une lettre à Veolia, qui doit en principe devenir d’ici fin octobre l’actionnaire majoritaire de la SNCM, le président de la Collectivité territoriale de Corse (CTC) Paul Giacobbi se dit d’ores et déjà “contraint” de préparer le recouvrement de cette somme.
“A la suite de la décision de la Commission européenne du 2 mai 2013 et au récent rejet de la demande de sursis à exécution, la CTC est créancière de la SNCM et va être prochainement contrainte, ainsi que (la loi) l’y oblige, de recouvrer auprès de la SNCM une somme d’un peu plus de 200 millions d’euros”, écrit-il dans une lettre datée du 24 septembre, dont l’AFP a obtenu une copie.
Dans ce courrier, également envoyé au gouvernement, le président de l’exécutif corse avertit aussi Veolia qu’il a l’intention de lui demander directement les fonds si la SNCM était trop fragile, arguant que Veolia était “dirigeant de fait” de la compagnie méditerranéenne française.
Inquiétudes croissantes
Cette hypothèse a fait bondir la direction du géant français de l’eau et des déchets, qui n’a pas provisionné de fonds pour cette éventualité.
“Veolia conteste fermement toute réclamation qui pourrait être faite à son encontre et confirme qu’elle n’a aucun engagement à l’égard de la SNCM dans ce cadre”, a réagi le groupe dans un communiqué.
Veolia, entré à reculons dans la SNCM lors de la privatisation de la compagnie en 2006, est indirectement actionnaire via Transdev, sa coentreprise avec la Caisse des Dépôts, laquelle détient 66% du capital. L’Etat contrôle 25%.
Mais Veolia doit, en principe d’ici fin octobre, devenir seul maître à bord de la SNCM, en prenant en compte propre cette participation des deux tiers.
Le géant français de l’eau et des déchets, lui même en cure d’austérité, ne veut pas hériter du paiement des 220 millions d’euros, considérable pour la seule SNCM puisque cela représente près des deux tiers de son chiffre d’affaires annuel et qu’elle subit des pertes chroniques.
La lettre a tout de même provoqué la surprise de plusieurs acteurs, alors que l’Assemblée de Corse vient il y a deux semaines de renouveler pour 10 ans supplémentaires la délégation de service public.
“Nous sommes informés de cette décision, nous allons en étudier toutes les conséquences”, a commenté le ministère des Transports, rappelant que “la contestation sur le fonds de cette demande émanant de Bruxelles de rembourser les 200 millions d’euros est à l’étude devant le tribunal de l’Union Européenne”.
“Ce n’est pas au gouvernement de commenter les échanges entre les collectivités territoriales corse et Veolia”, a pour sa part fait valoir Matignon.
“L’Etat est mobilisé auprès des autres actionnaires et du directoire de l’entreprise, pour construire les conditions d’un redressement de la SNCM”, ajoute-t-on chez Jean-Marc Ayrault.
Reste que le dossier de la SNCM suscite des inquiétudes croissantes pour l’exécutif, selon une source gouvernementale.
Le scénario d’une grève de la compagnie, qui pourrait s’étendre au port de Marseille, est notamment redouté, selon un proche du dossier.
Frédéric Alpozzo, de la CGT-Marins, syndicat majoritaire à la SNCM, a toutefois calmé le jeu.
“On est vigilants, mais inquiets, non”, a-t-il dit, relevant qu’il y a encore de nombreux recours à venir. “Si on a des actionnaires sérieux, le danger est minime”, a-t-il estimé.