Les finances des syndicats sur la sellette, une réforme prévue

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éronique Descaq, le 26 août 2013 à Matignon (Photo : Bertrand Guay)

[26/09/2013 16:24:26] Paris (AFP) Le financement peu transparent des organisations syndicales, leur talon d’Achille, est de nouveau sur la sellette, des dérives de certains comptes sont montrées du doigt au moment où le gouvernement prévoit une clarification dans le cadre de la réforme sur la formation professionnelle.

L’hebdomadaire L’Express a qualifié cette semaine en couverture les syndicats français de “nuls”, incapables de se réformer. Le qualificatif a été dénoncé par le bouillant numéro un de la CFDT, Laurent Berger, comme une “insulte” aux 800.000 militants de sa centrale.

“Je dénonce ceux qui sont tentés par le +tous pourris+, qui ne sert que l’extrême droite”, a-t-il ajouté jeudi.

Dans un ouvrage “Syndicats, corruption, dérives, trahisons” (éditions First Document), paru jeudi, les auteurs, Roger Lenglet et Jean-Luc Touly, reviennent sur des dérives notamment dans la gestion des comités d’entreprise (Air France, SNCF, RATP).

La polémique est ancienne. La Cour des comptes avait déjà relevé des “dysfonctionnements” dans la gestion du CCE de la RATP. Celui d’Air France a été mis en redressement judiciaire.

Jeudi, huit syndicats du comité d’entreprise régional de la SNCF à Lyon, épinglés depuis 2005, ont été reconnus coupables par le tribunal correctionnel d’avoir détourné une part de la subvention de fonctionnement allouée à cette instance.

Début 2012, le rapport de la commission parlementaire Perruchot – non validé et donc enterré – avait épinglé les syndicats mais aussi les organisations patronales, suscitant un tollé.

L’opacité reste de mise

Pourtant, depuis la loi de 2008, la transparence est actée puisque les syndicats sont dans l’obligation de faire certifier leurs comptes et de les publier.

“75% de nos financements ont pour origine nos cotisations”, assure auprès de l’AFP Eric Lafont, trésorier de la CGT qui vient de publier ses comptes 2012.

Mais pour le chercheur Dominique Andolfatto, l’opacité des comptes syndicaux reste de mise: “le cadre comptable est peu détaillé et peu explicite pour le salarié ou le citoyen lambda” et “la transparence devient une affaire de spécialistes”.

Selon lui, la part des cotisations reste “le plus souvent minoritaire” dans les budgets.

Les centrales bénéficient d’autres ressources, liées aux missions qu’elles remplissent dans la gestion paritaire (assurance chômage, formation professionnelle etc). Elles reçoivent également des sommes indirectes provenant des entreprises (salariés mis à la disposition du syndicat, congés de formation) et des subventions publiques (23 millions, pour la formation des militants).

La formation professionnelle constitue une manne: sur les 6,5 milliards prélevés sur les entreprises, 80 millions sont distribués entre les organisations syndicales et patronales.

Les soupçons sont liés à l’emploi d’une partie de ces sommes “pour d’autres dépenses que la gestion du paritarisme”, reconnaît un syndicaliste.

“La démocratie sociale mérite un financement”

Mais le financement du dialogue social est légitime: “Lorsqu’un syndicaliste rend un service d’intérêt général, ou assume son rôle de partenaire social, il n’a pas à supporter seul ces frais”, affirme auprès de l’AFP Marcel Grignard trésorier de la CFDT qui réclame “un état des lieux” et des “règles claires”.

Pour en finir avec les soupçons, le ministre du Travail Michel Sapin a décidé de réformer le système après concertation. “La démocratie sociale mérite un financement” qui “doit être transparent”, a-t-il dit.

Il s’agit de “déconnecter” le financement des gestionnaires du paritarisme des fonds collectés.

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à Paris (Photo : Eric Feferberg)

Des pistes sont à l’étude: une petite part de financement public pour la “mission d’intérêt général” rendue par les syndicats, et surtout un système où “les entreprises cotiseraient directement pour le dialogue social”, selon le ministère.

Un scénario est écarté, celui d’un financement des syndicats par l’impôt, à l’image de ce qui existe pour les partis politiques. “Il n’est pas consensuel”, indique-on. L’objectif “est de garder une connexion forte entre l’activité des entreprises et le dialogue social”.

Autre sujet épineux: la transparence des comptes des comités d’entreprise. “Un accord était intervenu l’an dernier entre les syndicats, le Medef et la Direction générale du travail”, qui prévoyait notamment une certification des comptes des grands CE, “mais il est resté dans les tiroirs du ministère”, affirme le trésorier de la CGT, qui plaide pour son application.

Au ministère on précise que la réforme prévue “tiendra totalement compte de ces travaux”.