à Oulan-Bator, en Mongolie (Photo : Mark Ralston) |
[27/09/2013 09:35:08] Oulan-Bator (AFP) Norihil Gendenpil a beau avoir 88 ans, c’est elle-même qui fait les courses et découpe, dans la yourte familiale, le morceau de mouton pour le repas du soir: les conditions de vie sont dures, assure la grand-mère mongole.
“Chaque matin les prix augmentent et je n’arrive plus à joindre les deux bouts. Je ne veux surtout rien demander à mes filles qui, elles aussi, luttent pour subvenir à leurs besoins”.
Elle se tient assise contre le poêle à charbon trônant au milieu de l’habitation démontable aux parois de feutre. Les “ghers”, ainsi qu’on appelle les yourtes en Mongolie, sont, avec le cheval, les éléments emblématiques de la culture nomade du pays.
Mais finies les transhumances à travers les steppes pour Mme Gendenpil. Avec sa descendance élargie — une vingtaine de personnes dont une majorité d’enfants — la voilà sédentarisée en bordure d’Oulan-Bator.
Elle et les siens restent pourtant largement privés des bénéfices de l’ébouriffant développemement de la capitale mongole, où se concentre la moitié des quelque 3 millions d’habitants du pays.
à Oulan-Bator, le 2 juin 2013 en Mongolie (Photo : Mark Ralston) |
A 15 minutes de leur campement, en empruntant des rues poussiéreuses, c’est en effet le domaine des grues, des centres commerciaux et des gratte-ciel modernes qui poussent comme des champignons.
Les nouveaux riches d’Oulan-Bator ont leurs boutiques de luxe, où ils peuvent acheter des vêtements Armani ou Hugo Boss, des sacs Vuitton et des téléphones portables Vertu sertis de pierres précieuses.
En raison du mauvais état des routes, ils circulent dans des 4X4 de marque Lexus ou Hummer. Et prennent leur mal en patience dans des embouteillages chaotiques, aggravés par la vétusté d’infrastructures datant de l’époque soviétique, avant 1990.
Depuis mi-juillet, les familles aisées se retrouvent même au “Sky resort”, un parcours de golf cinq étoiles tracé en contrebas d’une station de ski déjà existante.
Si l’argent de l’industrie minière coule donc à flot dans le centre névralgique de la Mongolie, Mme Gendenpil assure ne pas en voir la couleur.
Sa pension mensuelle se monte à 180.000 tugriks (80 euros), à quoi il faut ajouter des bons alimentaires distribués par le gouvernement, d’un montant de 4,40 euros par adulte et de 2,20 euros par enfant.
“Nous avons des invités ce soir, c’est pourquoi nous mangerons de la viande que j’ai achetée à 8.900 tugriks (4 euros) le kilo”, reprend l’octogénaire. “Mais en été, nous nous contentons désormais d’abats et l’hiver nous ne pouvons pratiquement plus consommer de viande”.
Un véritable sacrifice dans un pays où l’alimentation repose sur les produits carnés ou laitiers, servis avec des nouilles. La rigueur du climat limite les cultures maraîchères. Les légumes disponibles sont importés de Chine et coûtent chers. Durant les mois les plus froids les températures descendent jusqu’à 40 degrés sous zéro.
D’où l’attrait que peut représenter un appartement doté du chauffage central dans l’une des nombreuses barres d’habitation en construction à Oulan-Bator. Un rêve inaccessible pour beaucoup de laissés-pour-compte des classes nomades de la société.
“Je ne parviens à économiser aucun argent, je ne possède pas de logement, les salaires sont très bas”, relate ainsi Enkhnyamaa Purevsuren, membre de la famille de Mme Gendenpil.
La jeune fille de 28 ans était employée, pour un salaire mensuel de 230 euros, dans une fabrique artisanale d’articles en cuir, qu’elle a quittée pour rejoindre sa soeur en Malaisie. Là, elle a travaillé deux ans au pair dans une famille iranienne.
Mais, fin 2012, quand des rumeurs de pseudo-apocalypse tirées du calendrier maya ont agité la planète, Mme Gendenpil lui a demandé de revenir au foyer, avec tous ses autres petits-enfants et arrières-petits-enfants. Au fond de la yourte, devant l’autel sacré où se perpétuent des croyances chamaniques séculaires, la famille a attendu la fin du monde. Depuis, Enkhnyamaa rêve de repartir en Malaisie.
En Mongolie il n’y a pas que les foyers modestes à s’inquiéter du contexte économique: la croissance du PIB a subi un coup de frein brutal et les investissements directs étrangers ont chuté de 43% dans la première moitié de 2013.
Ces deux dernières semaines s’est réuni en session extraordinaire le Parlement pour tenter de renverser la vapeur.
Pour le gouvernement, la marge de manoeuvre est étroite, entre des puissantes multinationales qui exigent des garanties sur le long terme et une population qui demande en priorité des mesures en faveur du logement, de l’éducation et de l’environnement, souvent sacrifiés aux intérêts miniers.