Acheter des fruits de luxe à Tokyo : de la passion et beaucoup de yens

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ésente les fruits vendus dans un magasin de Tokyo, le 17 septembre 2013 (Photo : Toru Yamanaka)

[30/09/2013 06:02:19] Tokyo (AFP) Au rayon fruit de certains grands magasins et épiceries fines, l’étranger qui débarque peut se demander s’il ne s’est pas trompé et est entré par erreur dans une bijouterie.

Raisin, pommes, poires, pêches, abricots sont “présentés” comme des trésors. Les formes doivent être parfaites. Ici, on ne vend pas au kilo, mais parfois juste à l’unité: une pomme, une grappe de raisin noir.

Les pommes, ou plutôt la pomme est emmaillotée d’une résille de mousseline blanche pour éviter le moindre choc qui pourrait la taler. Pareil pour les pêches ou les poires. En plus de leur petit berceau de mousseline, elles sont emballées dans une fine boîte de plastique transparent.

Les grappes de raisin sont elles aussi vendues à l’unité, quasiment comme des colliers sur un présentoir? Et au pays des cerisiers en fleurs, si beaux mais sans fruits, les cerises sont offertes en toutes petites quantités – parfois à peine une dizaine, dans des boîtes en plastique. Et pas en vrac s’il vous plaît: toutes alignées, la queue dans le même sens.

En matière de prix, le touriste a de quoi tomber parfois à la renverse.

En juillet dernier, une seule grappe de raisin “Ruby Roman”, une variété originaire de la préfecture d’Ishikawa (centre-ouest) s’est vendue 400.000 yen, soit environ 3.000 euros ! Ce qui met le grain, même s’il est gros comme une balle de ping pong, à 82,30 euros…

Mieux: chaque mois de mai se déroule une vente aux enchères aux prix délirants pour deux melons parfaitement rond et sans le moindre défaut de la région d’Hokkaido, la grande île du nord du Japon. Cette année la paire, présentée dans des boîtes en bois comme des grands crus de Bordeaux, a été adjugée à 1,6 million de yen, près de 12.000 euros!

Dites le… avec des fruits

Même par temps de crise, les Japonais ne regardent pas à la dépense pour acheter, et surtout offrir des fruits, un cadeau très estimé au pays des “omiyage” (prononcer: omiyagué), ces petits cadeaux qui sont essentiels au lien social.

“La plupart de nos clients achètent des fruits pour faire des cadeaux, c’est pour cela que nous recherchons les meilleurs produits à travers tout le Japon”, explique Yoshinobu Ishiyama, gérant d’un magasin Sun Fruits dans le centre de Tokyo.

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ésente les fruits vendus dans un magasin de Tokyo, le 17 septembre 2013 (Photo : Toru Yamanaka)

“Il faut que les produits soient exceptionnels, et surtout délicieux au goût”.

Dans son temple fruitier carrelé de blanc et bercé d’une musique douce, M. Ishiyama ne vend pas de ces melons qui peuvent coûter le prix d’une petite voiture, mais il offre tout de même du “Ruby Roman” à 31.500 yen la grappe, la bagatelle de 235 euros.

Plus “abordable”: cette énorme pêche blanche, parfaitement ronde et juteuse à souhait: 2.625 yen (20 euros), ou cette grappe de raisin muscat d’Alexandrie à 7.350 yen (55 euros).

Et sur une étagère dans une armoire réfrigérée trône le roi des fruits-cadeaux: le melon cantaloup, impeccablement sphérique, la peau magnifiquement résillée sans le moindre bobo: il s’affiche à 15.750 yen (118 euros).

Bien sûr, tout le monde n’achète pas ces onéreuses merveilles, et l’on peut toujours se rabattre sur le supermarché de base, mais tout de même: l’affection et/ou l’estime se mesurent au prix que l’on met dans ces fruits à offrir à des parents, des collègues, voire son patron à l’été ou à la fin de l’année.

“Le prix s’oublie, la qualité reste”

Si les deux parties sont à peu près de la même couche sociale, les cadeaux se valent: Madame aura envoyé une boîte de cerises à 4.000 yen, en échange elle recevra pour 5.000 yen de mangues joliment disposées.

Mais si vous voulez vraiment montrer à votre patron que vous êtes très reconnaissant pour votre promotion, vous n’échapperez pas au melon cantaloup à 15.000 yen.

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ût 2008

Dans sa serre contrôlée par ordinateur, Toshiaki Nishihara cultive de ces précieux cantaloups dans la région de Shizuoka, au sud de Tokyo. Il fait lui-même la pollinisation à la main, et ne laisse qu’un melon par plant pour qu’il puisse croître et embellir à l’aise.

“Ils sont très chers car je les couve”, dit-il à l’AFP.

“De toute façon, vous n’oubliez jamais cette expérience de manger ces fruits extraordinaires, le prix s’oublie, la qualité reste”, dit avec philosophie, et sans doute un portefeuille bien garni, Farhad Kardan, un client iranien rencontré chez Sun Fruits.