Les temps sont durs et la vie est chère. En conséquence, nous aurons de l’austérité à la place de la croissance. Le régime maigre convient-il à une situation marquée par une crise politique et une relance qui a fait flop?
On nous promet des lendemains à se serrer la ceinture. Le moment est-il bien choisi? L’austérité est-elle cette panacée à chasser la morosité et à donner meilleur moral aux Tunisiens et plus de couleurs aux finances publiques? Parier sur le tour de vis revient à botter en touche. Et, les vrais problèmes vont nous rattraper.
La faute de timing
Si l’austérité qu’on nous promet avait été appliquée dès la prise de fonction du gouvernement Jebali, soit en novembre 2011, tout le monde aurait applaudi. Elle aurait été saluée comme un acte de rationalité économique. En état de grâce, le gouvernement pouvait très bien donner un tour de vis. Tous les alibis étaient en sa faveur. On y aurait vu du bon sens et il aurait été difficile de s’y opposer, tant la chose était parlante. Les syndicalistes les plus virulents n’auraient pas trouvé à redire.
En avril 2011, Lech Walesa, l’ancien président polonais, était parmi nous et avait rappelé, d’entrée de jeu, qu’il n’a pas hésité à réduire le pouvoir d’achat des Polonais de 20% en rognant sur la Caisse de compensation. L’ancien syndicaliste, devenu président, avait dû jouer contre son camp et pénaliser les travailleurs, pour préserver les finances publiques. Et, tout le monde s’est incliné.
Quand le gouvernement Laarayedh, qui prolonge celui de Hamadi Jebali, recourt aujourd’hui à ce genre de mesures, il donne le sentiment d’être dos au mur. Et, ce qui est encore plus grave, de cafouiller. En pleine crise politique, sous tension économique, le choix de l’austérité en Tunisie apparaît comme une mesure antiéconomique.
L’austérité, une idée abandonnée de tous
Les mesures d’austérité sont, de tous temps, des mesures d’infortune. C’est un pis allé. Dans la grande majorité des situations, elles ont été contreproductives. En déficit de croissance, les ministres en charge des Finances se rabattent tous sur les alcools, le tabac et les vignettes autos et tutti quanti. C’est-à-dire taillent dans le portemonnaie du consommateur.
Il faut bien se dire que cette idée est décriée de tous. L’UE, qui a fait de l’austérité sa religion, a dû se raviser. La Banque européenne d’investissement a dû détendre sa politique monétaire pour aider au Pacte de croissance comme le réclament, à cor et à cri, des gouvernements d’obédience sociale qui ont fini par avoir gain de cause.
Laminer les revenus de la classe moyenne par l’impôt et la hausse des prix, c’est fossoyer la croissance. Tout ce qui est ponctionné sur le pouvoir d’achat n’ira pas à la consommation et donc pénalisera les entreprises. La conjoncture finira par s’en ressentir et on connaît la suite.
Alors, quand on nous promet des hausses d’impôts et des réductions de subvention sur l’énergie, il faut s’attendre à ce que cela enfonce davantage la conjoncture, engourdissant l’initiative privée.
Outre cela, le projet d’austérité confirmera, dans l’opinion, l’idée que les caisses de l’Etat ne débordent pas. Pareille nouvelle n’est pas du meilleur effet sur le moral du bon peuple, ni même des investisseurs.
Majorer la vignette auto de 25% et réajuster les prix à la pompe, sans proposer des solutions alternatives d’amélioration du transport public, c’est exaspérer l’automobiliste. Pour un pays en renouveau économique, tirer davantage sur un vieil impôt qui a été abandonné par son pays d’origine, la France, n’est pas un exercice d’innovation fiscale, outre que ses rentrées, de toutes les façons, seront modestes.
Le cadrage budgétaire, une recette gagnante?
Le gouvernement s’est auto-enfoncé pour avoir raté son programme de Go & stop. Il a mal dépensé en 2012, et la relance n’a pas été au rendez-vous. En ouvrant les cordons de sa bourse, il a eu exactement le résultat contraire de ce qu’il escomptait. Il n’a pas eu l’investissement et donc pas d’emplois nouveaux dans la proportion espérée. En revanche, ses charges ont explosé. Il va répercuter cela, en partie, sur les contribuables.
Toute l’argumentation qui peut accompagner ces mesures, quand bien même elle serait rationnelle, ne sera pas perçue comme tel. Il faut se souvenir de l’initiative de Mansour Moalla, ancien ministre du Plan, pour le cadrage budgétaire, comment elle avait été rejetée en bloc par l’opinion. Toute retouche budgétaire non assortie de création de valeur et donc de richesses nouvelles revient à du cadrage budgétaire.
Ce transfert social fait mal aux contribuables et aux salariés. Et, en général ces couches contributives et laborieuses prennent la chose assez mal. Cela ne fera qu’ajouter de la crise à la crise.
Que peut-on faire à la place? En deux mots, on peut subventionner les exploitants agricoles. On aurait un cours de la vie qui baisserait rapidement. Et enfin on pourrait se mettre à investir dans les régions et on aurait de la croissance inclusive.
Au lieu de partager la pénurie, créons des richesses nouvelles.